Portes de Paris : des espaces de vie au cœur du Grand Paris
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Nous ne pouvons pas déconnecter le devenir des Portes à celui du périphérique comme c’est écrit dans la délibération.. Voilà la première réaction que j’ai eu en lisant cette délibération. La construction du périphérique en grande partie l’enceinte dite de Thiers, explique essentiellement le délaissement des Portes de Paris. Par ailleurs, je dois vous dire que nous avons du mal à saisir la plus-value de cette niche par rapport à la MIE Périphérique que nous avons travaillé ensemble et votée ici même il y a quelques mois.

D’une certaine manière et au premier regard, cette niche semble consensuelle.

Par exemple, je pense que nous partageons tous l’enjeu d’en faire, je cite “des espaces de vie et d’échanges pour les habitants du Grand Paris”. Ça ne mange pas de pain.

De même que nous partageons le constat sur la pollution liée au périphérique, évidemment ! La pollution de l’air et les nuisances sonores sont des problématiques dont nous parlons très régulièrement ici, en général à l’occasion d’une intervention sur une délibération actant une ZAC ou un grand projet d’aménagement. Nous alertons à chaque fois sur le fait de créer des équipements sensibles, des crèches, des équipements sportifs, autour du périphérique, qui est un émetteur principal de pollutions.

De la même manière, nous sommes raccords avec le besoin de végétalisation des Portes, qui sont des lieux extrêmement minéraux, et sur le problème de liaison pour les cyclistes.

Mais si nous partageons peut-être, en tout cas en partie, les objectifs que je viens d’énoncer, nous ne partageons pas complètement les moyens et surtout l’ambition que nous avons pour ces lieux très particuliers que sont les Portes.

Car l’enjeu aujourd’hui n’est plus la rénovation des portes. Ça, c’était l’enjeu des années 2000. Aujourd’hui, alors que nous sommes presque en 2020, quand on réfléchit à ce que l’on doit faire des Portes de Paris, nous ne pouvons faire l’économie de le penser dans un cadre bien plus global de ce que nous voulons comme transformation du périphérique.

Dès la 2e page, on peut lire que l’objectif est de “concilier la qualité de vie des habitants et la fluidité du trafic automobile dans une logique de migration des nuisances inhérentes à ce dernier”. Je suis désolé, mais je ne comprends pas cet objectif sur la manière dont il est formulé, et par ailleurs, nous ne le partageons pas.

Car si cette délibération nous enseigne à quel point les Portes sont encombrées et saturées (merci de l’information, factuelle s’il en est), elle précise aussi que “la solution à cette problématique ne saurait exclusivement passer par une restriction de la place de la voiture”.

Je me tourne vers notre exécutif: cette démarche de fluidification fait-elle consensus dans notre assemblée ? Il m’avait semblé que la maire de Paris, au contraire, menait une politique de réduction de la place de la voiture.

Par ailleurs, alors qu’il est urgent de créer de nouveaux pôles d’attractivité pour désengorger la Métropole du Grand Paris, le rayonnement métropolitain revient à de nombreuses reprises. Là encore, nous nous plaçons dans une autre perspective: à cette vision d’un monde concentrée sur la métropole du Grand Paris, nous pensons qu’il est au contraire temps de développer l’attractivité d’autres territoires.

La métropole est déjà extrêmement attractive, la capitale trop dense, les transports saturés. Arrêtons d’amplifier un phénomène déjà intenable !

Dans cette logique, cette niche fait l’historique des projets menés autour du périphérique, sur lesquels il y aurait beaucoup à dire, et pas que du bien, tant nombre d’entre eux semblent directement venir des années 80. Les grandes zones d’aménagement ne répondent selon nous pas aux enjeux environnementaux

En cela, la création de bâtiments “signaux”, comme le Tribunal de Grande Instance, Mille Arbres ou encore la Tour Triangle, nous paraît inapproprié, vide de sens et dépassé. Nous ne voulons pas créer encore des bureaux vides ou des hôtels pour alimenter la spéculation ! Nous voulons créer de l’activité, oui, de l’activité locale et non délocalisable, utile à Paris et à ses habitants. Nous voulons éviter que la Porte de Montreuil comme la Porte de la Chapelle soient inutilement densifiées. Nous voulons sortir de la logique selon laquelle les droits à construire se font toujours au détriment des usages et du territoire. L’exemple récent de la Porte de Montreuil nous le montre bien, on transforme les puces en galerie marchande, ce qui est contraire à l’esprit même des puces ! Les bâtiments pont en sont un autre exemple: ils sont tellement onéreux que pour les rentabiliser, il faut aller toujours plus en hauteur. Et contrairement à ce qu’a dit Monsieur Missika, nous ne sommes pas contre le principe d’espace aménagé sur le périphérique mais nous sommes contre de nouvelles barres qui cachent l’horizon. Monsieur Missika a revu sa position sur la Gare du Nord, ce que nous saluons même s’il aurait été plus utile de la faire en juillet pour faire tomber la délibération. Elargissez maintenant votre opposition à la foncière Citrus sur la Gare du Nord à celle de Nexity sur la porte de Montreuil. En vendant à autour de 1000 euros le m2, vous alimentez la spéculation à Paris qui permet à Nexity de se glorifier de réalisé un premier accord de “closing” avec le fond Harvestate Asset Management, lui même constitué à partir d’actif de Nexity en 2014, pour son fonds d’investissement Terrae Optimae 1, pour acheter du foncier dans le Grand Paris. Nous ne sommes pas dupe des cession internes à venir pour aller au delà des 1000 euros initiaux. A propos du débat de juillet, je cite mes propos toujours d’actualité, “Paris se meurt de sa rentabilité foncière délirante. Notre ville se transforme en véritable machine à cash au détriment de la valeur cardinale de défense des communs qui devrait animer toute autorité publique.”

En fait, je suis gêné. Nous sommes gênés.

Nous sommes gênés par cette niche qui pose des constats et des faits mis 100 fois sur la table en proposant de les régler par les mesures utilisées aujourd’hui.

Mais comment ce qui n’a pas fonctionné jusqu’à aujourd’hui fonctionnerait demain?

Selon cette niche, supprimer le périphérique n’est pas la question. Mais encore faut-il s’accorder sur ce que cela veut dire de “supprimer le périphérique”. Est-ce supprimer son usage actuel ? Est-ce le vendre pour alimenter la rente foncière ? Ce n’est pas explicité. Mais c’est sans doute dans la droite ligne du message sous tendu tout au long de cette délibération : surtout ne rien changer, continuons de mener cette politique qui jusqu’à présent a montré ses effets, par ailleurs, et c’est le grand paradoxe de cette délibération, bien démontré tout au long du texte.

Nous ne comprenons pas ce que propose cette niche et quand nous le comprenons, nous sommes en désaccord, car nous ne partageons ni la vision urbaine ni les solutions. Nous nous abstiendrons donc.

Je vous remercie.

 

Jerôme Gleizes, conseiller de Paris

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