Stratégie de déconfinement : La résilience de Paris doit se construire, dès maintenant, pour construire notre résistance collective aux crises à venir.
Partager

La période que nous vivons laissera une trace dans l’histoire. C’est la première fois qu’une épidémie se répand aussi rapidement et aussi largement à l’ensemble de la planète.

Tout le monde peut être frappé, nous craignons toutes et tous pour notre santé et celle de nos proches. Et je tenais à remercier le personnel municipal et le personnel de santé pour leur courage et leur dévouement. Le personnel médio-social fait preuve d’une abnégation singulièrement méritoire au regard du nombre de coups de matraques qu’il a reçu ces dernières années lorsqu’il alertait sur la dégradation de l’hôpital.

Je remercie aussi les associations, qui par leur travail de terrain ont compensé les manques de l’Etat, en distribuant des repas aux personnes vulnérables et aux soignants, en écoutant les femmes victimes de violences intrafamiliales et les familles dépassées par les rythmes et la promiscuité imposés par le confinement, d’autant que nombre de structures de l’économie sociale et solidaire sont mises en péril par cette crise.

En tant qu’élu.es locaux de Paris, notre rôle est de penser une stratégie de déconfinement durable, qui consiste à construire une ville résiliente. Celle-ci doit être dotée d’un double objectif. A court terme : empêcher la propagation du virus et retrouver notre état de droit. A plus long terme : faire en sorte que les futures pandémies aient un impact le plus faible possible sur la santé, nos libertés et notre environnement.

La crise que nous vivons est une crise écologique et une faillite du néolibéralisme.

La transmission à l’humain du Covid 19 est en lien étroit avec l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement du climat.

La déforestation massive et le trafic d’animaux sauvages ont mis des populations humaines en contact avec de nouveaux agents pathogènes portés par des animaux habituellement isolés et dont le trafic a contaminé les grands centres urbains puis s’est propagé au reste du monde.

La délocalisation de nos outils de production vers les pays à bas salaires et faibles normes environnementale, la mondialisation des échanges, ont favorisé la diffusion du virus. Le néolibéralisme a construit notre dépendance vis-à-vis de pays comme l’Inde pour nos médicaments ou la Chine pour la majorité des biens manufacturés dont les respirateurs.

Dans le même temps, les politiques menées depuis 2008 ont conduit à l’affaiblissement voire au démantèlement des services publics, en particulier de l’hôpital, sommé d’être rentable. On en paie aujourd’hui le prix.

Face à l’incapacité des structures de soins à prendre en charge un surcroît de malades, en raison du manque de personnel, de lits de réanimation, de respirateurs, de masques… le choix du confinement généralisé de la population a été fait, mettant à mal notre économie.

 

Faut-il renoncer à nos droits ou changer de paradigme ?

Pour rattraper les points de croissance on nous demande de renoncer à nos droits sociaux et de mettre fin aux normes de protections environnementales, d’accélérer la dérégulation.

Pourtant, à défaut de changer radicalement de modèle, nous risquons une nouvelle catastrophe, en pire encore, les mêmes causes produisant les mêmes effets.
Le pays a été mis à l’arrêt pendant deux mois. Et maintenant ? Travailler plus pour rattraper les points de PIB perdus, s’engouffrer dans des transports bondés ? Et vivre sans tendresse ? Non, non, non, il n’en est pas question !

Changer de paradigme c’est, concrètement, adapter Paris à en termes de services publics, d’alimentation, de solidarité, de démocratie et de déplacements.

Les personnels en première ligne du déconfinement devront recevoir tous les moyens de protection nécessaires, qu’ils reçoivent du public ou qu’ils soient en contact rapproché avec des usager.e.s -je pense notamment aux personnels des écoles et des établissements médico-sociaux. En tant que maire d’arrondissement, j’ai ainsi distribué prioritairement des masques aux personnels de santé et aux aidant.e.s, puis aux commerçants.

 

Autonomie alimentaire contre malnutrition.

L’alimentation est un autre enjeu du déconfinement. La fermeture des marchés alimentaires a concouru à l’augmentation des prix des fruits et légumes dans les chaînes de supérettes restées ouvertes et dans lesquelles le respect des gestes barrières est pourtant plus aléatoire.

De plus, privées des repas le midi à la cantine, à 15 ou 30 centimes, pour leurs enfants et contraintes de confectionner trois repas par jour, certaines familles n’ont pu faire face et des phénomènes de malnutrition ont commencé à voir le jour.

D’où l’importance de la mise en place des paniers fruits et légumes dit « essentiels » pour ces familles. C’est une mesure que les écologistes soutiennent, et qui s’apparente au chèque fruits et légumes qu’ils préconisent depuis 2008.

La reprise de la cantine à partir du 11 mai est indispensable, tout en respectant les gestes barrières. Les tables devront être espacées et s’il le faut nous devrons utiliser les préaux ; la pause méridienne devra être allongée pour permettre à tous les enfants qui le souhaitent de déjeuner.

Pas question en revanche d’abandonner nos exigences en matière d’alimentation durable et bio, ni de muter nos restaurants scolaires en sandwicheries : une alimentation de qualité médiocre engendre de mauvaises habitudes alimentaires, qui peuvent générer à long termes des problèmes de santé.

Sur le long terme, Paris doit encore plus urgemment œuvrer pour une meilleure autonomie alimentaire, en mobilisant les terres alentour comme celles du Triangle de Gonesse. Et en innovant : jardins sur les toits, jardins partagés, rues potagères, etc.

 

Maintenir l’effort d’hébergement, renouveler la démocratie

Par ailleurs, les moyens alloués à l’hébergement des personnes à la rue doivent être maintenus. Les hôtels mobilisés dans le cadre de l’opération Covisan pour mettre à l’abri les malades doivent pouvoir aussi héberger les personnes les plus fragiles sans logis non détectées positives en attendant qu’une solution pérenne puisse leur être proposée. Nous avons pu ouvrir dans le 2e un centre d’hébergement d’urgence pouvant accueillir 150 personnes dont des familles. Je me réjouis que des moyens aient pu être affectés par l’État au fonctionnement de ce centre mis à disposition par la Ville.

En matière de démocratie locale, nous devons associer mieux les habitant.e.s via les conseils de quartier sur les décisions à mettre en œuvre d’un point de vue local.

En tant que maire d’arrondissement, j’ai tenu, durant toute la période du confinement, à entretenir un dialogue constant avec les présidences des conseils de quartier. La méthode a permis aux équipes de propreté et de sécurité, que je voudrais particulièrement remercier, d’être orientées le plus finement possibles vers la résolution des problématiques remontées par les habitant.e.s.

Par ailleurs, j’ai organisé sur le modèle mis en place par Emmanuel Grégoire, des conférences téléphoniques avec l’ensemble des élu.e.s de l’arrondissement, majorité comme opposition, qui ont permis de mutualiser les énergies.
Il nous faudrait maintenant imaginer la mise en place d’une conférence citoyenne pour mieux construire ce Paris de la résilience. Une véritable démocratie sanitaire se construit avec les acteurs de la société qui connaissent les besoins spécifiques des populations.
Avec la réouverture des écoles, les écologistes souhaitent une réouverture rapide des espaces verts, afin de permettre aux enfants, entassés depuis plus d’un mois dans des appartements trop petits, de retrouver un contact avec la nature, en petits groupes, pendant que l’autre moitié des élèves est en classe.

Nous devons aussi encourager le retour le plus rapide possible de classes vertes, pour que les enfants parisiens retrouvent le nécessaire plaisir de courir dans la nature, ce dont ils sont depuis trop longtemps privés.

 

Révolutionner les mobilités

Parmi les mesures prioritaires à prendre, figure la nécessité de favoriser la marche et la pratique du vélo, en sécurisant leurs déplacements. Des dispositions adaptées doivent être prises pour éviter le grand embouteillage du siècle du 11 mai.

Les transports en commun ne fonctionnent que partiellement et sont saturés : de quoi décourager les voyageurs, même avec masques obligatoires. Mais la voiture individuelle ne doit pas être le recours. Son usage doit être désormais limité strictement aux livraisons, aux secours et aux personnes à mobilité réduite. Motos, scooters et voitures individuelles doivent être totalement proscrits.

Il faut autoriser la circulation sur chaussée des piétons dans les rues où les trottoirs ont une largeur inférieure à 1,50 m et donner plus de place au vélo afin de pouvoir se déplacer en respectant la distanciation physique. Ces aménagements doivent s’accompagner de la suppression des places de stationnement en surface, notamment au centre de Paris, car l’offre de stationnement est un puissant aspirateur à voitures.

Cela est d’autant plus nécessaire que les liens entre pollution de l’air et propagation du virus ont été établis par plusieurs études scientifiques.

Une récente enquête indique qu’en France le nombre de morts imputables à la mauvaise qualité de l’air est de 67 000 personnes chaque année. Soit 3 fois plus que le COVID-19. Il y a donc urgence sanitaire à agir.

Il nous faut accélérer la mise en place des chaussées piétonnisées, du Réseau express Vélo ou Vélopolitain constitué de rues entièrement cyclables à l’échelle de la métropole. La ville y travaille et je m’en réjouis.

Ainsi, la résilience de Paris doit se construire, dès maintenant, sur le court terme, pour éviter que le déconfinement ne génère un effet rebond sanitaire encore plus dramatique, et sur le long terme, pour construire notre résistance collective aux crises à venir.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *