Tout au long de leur histoire, les Pompiers de Paris, devenus BSPP en 1967, ont dû adapter leur modèle d’organisation aux évolutions urbanistiques et sociales ainsi qu’aux contraintes budgétaires.
Se pencher sur cette histoire, c’est voir à quel point les politiques ont rarement su anticiper l’évolution des besoins, notamment budgétaires. Ce n’est qu’à coup de pieds dans les fesses que le financeur, c’est à dire l’autorité politique, consent à fournir au modèle les moyens de conserver sa capacité opérationnelle. Il est consternant de constater qu’il faut attendre que la situation de la brigade devienne intenable pour que le pouvoir politique adapte le budget à la réalité vécue par les soldats du feu.
L’année 2000, Joël Prieur, général commandant la BSPP, qualifiait la situation de critique, soulignant que l’activité opérationnelle avait en 15 ans cru de 4,4 % par an et le secours à victime de 273 % ; cela étant dû, je le cite, « à la détresse sociale qui se traduit par des interventions de la BSPP n’entrant pas dans ses missions ». Il alertait aussi sur la vétusté du matériel et des casernes. Il lui aura fallu batailler dur pour obtenir enfin un plan de modernisation mis en œuvre entre 2002 et 2007, plan qu’il qualifiait d’ailleurs « de rattrapage ». 725 sapeurs furent recrutés et presque 300 logements en ville mis à disposition de la Brigade.
Malgré ces avancées, le plan ne permit pas de doter la BSPP des moyens matériels nécessaires à ses missions, ainsi 14 % du matériel roulant était devenu hors d’âge, voire dangereux.
D’où un deuxième plan, élaboré en 2009 pour trois ans, puis prolongé jusqu’en 2015, avec deux objectifs.
Le premier, acquérir une flotte d’engins puissants dotés de bras élévateurs et conçus pour le sauvetage-déblaiement, utiles en cas d’effondrement d’immeubles. Heureusement, dès 2001, notre municipalité avait engagé une politique pour résorber l’habitat insalubre, épargnant aux parisiennes et parisiens la catastrophe Marseillaise.
Deuxième objectif, renforcer l’encadrement. Emergeait déjà le problème de fidélisation des sapeurs et donc la difficulté à former un nombre suffisant de sous-officiers, qui sont la clé de l’activité opérationnelle.
Or c’est ce deuxième plan, Madame la Maire, qu’au lendemain de votre élection et sans aucune concertation, vous avez cassé. En réaction, dès juillet 2014 à l’occasion du budget supplémentaire, mon groupe déposait un vœu vous demandant de réaffirmer les engagements municipaux envers la BSPP. Vœu retiré au profit d’un autre, de l’exécutif, resté lettre morte puisque le budget 2015 pour la Brigade présentait une baisse de 2%, rendant par exemple désormais impossible le recours aux réservistes. Sur ce dernier point, j’avais déposé un amendement budgétaire qui, recevant le soutien de l’opposition, vous avait contraint à rectifier le budget à la hausse.
Hélas, vous vous êtes obstinée dans le déni puisque les budgets suivants connurent une hausse à hauteur de l’inflation ! Face à la stagnation des moyens budgétaires, les généraux qui se succédèrent, De Raucourt, Boutinaud et Gallet déployèrent des efforts considérables pour améliorer l’organisation du modèle et en faire progresser la productivité. Quant à l’idée de reporter 100 000 appels par an sur d’autres services publics, elle est légitime mais que vaut-elle quand on connaît l’état du SAMU, des urgences hospitalières, de la médecine de Ville, des sociétés ambulancières ? Éduquer nos concitoyens aux gestes qui sauvent, très bien, mais cela réduira-t-il suffisamment le nombre d’appels ?
Le Président David Belliard et moi-même avons martelé ici et ailleurs que ces efforts d’efficacité ne pourraient pourvoir aux besoins quotidiens toujours croissants de Paris, de ses équipements, de sa population, laquelle vieillit et connaît une hausse de la précarité. Voilà pourquoi, chaque année au moment des discussions budgétaires, nous avons réclamé le rétablissement d’une relance de l’investissement pour la BSPP. L’an dernier, en signe de protestation contre votre austérité budgétaire à l’égard de la Brigade, et pour mieux nous faire entendre, nous nous étions abstenus sur le vote du volet BSPP du budget spécial.
Au delà de l’action menée dans cette enceinte par le Groupe des écologistes, trois facteurs ont concouru à vous ramener à la raison, Madame la Maire.
D’abord, la presse. Celle-ci se fait de plus en plus fréquemment l’écho du quasi burn-out des pompiers, lesquels, parce qu’ils ont un statut militaire et qu’ils sont dévoués, acceptent pour 1700 euros mensuels d’effectuer 126 gardes de 48 h par an, ne dormant que 4 heures par nuit. A de tels échos l’année précédant l’élection municipale, vous avez été sensible.
Ensuite, l’enquête de la Cour des comptes commencée en début d’année et dont vous n’aviez rien de très bon à attendre. Le rapport, remis au Premier Ministre en septembre dernier, déplore le phénomène d’attrition, « les sorties massives d’effectifs de pompiers chevronnés », qui fragilisent la BSPP. « La dureté du métier, l’amplitude des horaires et le statut contractuel poussent de nombreux jeunes à rechercher ailleurs des perspectives plus stables », notamment dans les SDIS.
Enfin, Notre-Dame. L’extraordinaire bataille gagnée par la BSPP a tellement renforcé la popularité de ses personnels qu’il devenait politiquement dangereux, pour vous comme pour le Préfet, de continuer à étrangler leurs moyens budgétaires.
Alors le miracle vint en juillet dernier : reprenant à votre compte nos arguments, vous annonciez soudain ce que les écologistes vous demandaient depuis cinq ans : un plan de modernisation, sérieux puisque décennal, et portant sur 203 millions d’euros, dont nous voterons aujourd’hui la première tranche.
Parmi vos multiples revirements politiques, certains nous déplaisent (Police municipale !) mais d’autres nous réjouissent, c’est le cas aujourd’hui avec ce plan de modernisation qui, en réalité, comme disait en son temps le Général Prieur, est un plan de rattrapage car il s’agit bien de rattraper cinq années perdues, Madame la Maire.
Que les parisiennes et les parisiens sachent que si depuis cinq ans le service de protection des pompiers a continué de les protéger admirablement, ils ne le doivent qu’au dévouement physique et moral des pompiers ainsi qu’à l’esprit pratique de leur état-major.
Nous ne voudrions pas voir le plan de rattrapage 2009-2019 cassé avant son achèvement, comme ce fut le cas en 2014 pour le plan précédent. C’est pourquoi dans un vœu nous demandons à chaque élu.e. de Paris et des territoires de la première couronne qui le souhaitent d’apposer sa signature sur une charte l’engageant à agir pour que le plan adopté aujourd’hui soit respecté pendant et au delà du mandat en cours.
Mon propos s’est concentré sur la BSPP mais je n’oublie pas la police administrative dont les 3000 agents ne doivent pas devenir peu à peu le parent pauvre du service public de la Police nationale. Les conditions de travail sont loin d’y être satisfaisantes, je pense par exemple aux problèmes de chauffage et de vétusté des locaux quai de Gèvres alors que le rythme de travail imposé est de plus en plus soutenu…
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