Ce dernier budget prévisionnel est le moment de faire le bilan financier de la mandature car théoriquement il devrait y avoir peu de nouveauté dans ce budget par rapport à celui de l’année dernière. Un budget technique comme on l’entend souvent. Une simple reconduction de la stratégie de la mandature.
Mais à écouter les interventions de ce matin sur notre amendement qui suscite bien des discussions il n’en est rien. Et pourtant c’est assez paradoxal car nous défendons un maintien de l’investissement tel qu’acté en 2014.
Nous sommes cohérents. Une fois de plus. Tout au long de la mandature, nous avons défendu cette stratégie d’investissements critiquant aussi bien les gouvernements Hollande que les gouvernements Macron, quant à la mise au pas des collectivités territoriales.
Revenons d’abord sur le bilan de ces 5 dernières années. La droite accuse notre majorité d’avoir augmenté la dette de la ville. C’est factuellement vrai mais il faudrait avoir l’honnêteté intellectuelle de dire qu’une partie de la croissance de la dette est aussi due au choc budgétaire induit par tous les gouvernements depuis 2014 de Hollande à Macron. Pour la première fois, la ville va même devenir contributeur net du budget de l’État, et l’impact cumulé depuis 2014, dépasse le milliard auquel il faut rajouter 1,7 milliards de dette sociale. Toutes ces recettes en moins ont diminué notre épargne brute et nous ont obligé à financer nombre d’investissements pour l’avenir par la dette.
Invariablement, c’est avec ce même souci de financer nos investissements que durant cette mandature nous avons assumé de défendre l’utilisation des baux emphytéotiques et donc les loyers capitalisés au lieu de céder notre patrimoine, comme l’a fait Monsieur Missika. A titre d’exemple, le dernier rapport de de la Chambre régionale des comptes sur la ZAC des Batignolles nous donne raison. Les cessions sont faites à des montants trop faibles, en plus d’une ristourne étonnante de 36 millions d’euros aux promoteurs immobiliers, ce qui fait autant de recettes en moins pour la ville. Je déplore que cette mauvaise stratégie perdure puisque des cessions à bas prix sur des ZAC sont soumises aux votes de ce Conseil.
Nous assumons la trajectoire d’investissement de la ville pour laquelle les Parisiennes et les Parisiens ont voté en 2014.
En revanche nous n’assumons pas la frilosité de l’exécutif et des socialistes face à l’attaque de l’État contre l’autonomie budgétaire des collectivités territoriales. Nous avons participé avec de nombreux élu.es de droite comme de gauche au rassemblement devant l’Assemblée nationale pour protester contre la contractualisation des budgets des collectivités territoriales. Nous regrettons que Madame Hidalgo n’ait pas mené le front des maires contre cette mainmise des budgets municipaux par Bercy. Au contraire, la Ville de Paris s’est félicitée d’être une des premières villes de France avec Bordeaux à signer cette contractualisation, présentée comme indolore pour Paris. Indolore budgétairement ça peut se discuter, mais politiquement la tâche restera.
Nous sommes aussi et surtout surpris de la rupture de la stratégie d’investissement de la ville avec ce budget. On constate une baisse de 230,7 millions d’euros dont 31,3 millions d’euros pour la section “transport” et 143,5 millions d’euros pour la section “Aménagement des territoires et Habitat”.
Nous aurons beaucoup investi sur cette mandature mais moins que les 10 milliards prévus. Nous sommes par ailleurs surpris que l’étude commandée par la Ville de Paris à l’OFCE ne soit pas mise en valeur. Est-ce à cause des résultats et de l’argumentaire qui montre le risque de baisser l’investissement ?
Madame la Maire en a certes parlé dans son intervention mais en ne se focalisant que sur les indicateurs de bien-être, le dernier chapitre de ce rapport.
Regardons ce que dit le deuxième chapitre de ce rapport : Malgré le désengagement de l’État auprès des collectivités territoriales, elles réalisent près de 70 % de l’investissement public civil. Selon l’OFCE, une baisse de l’ordre de 25 % du volume annuel d’investissement sur la durée d’une mandature, aurait des conséquences négatives pour l’ensemble de l’activité économique de la région avec des destructions d’emploi de près de 50 000 équivalents temps plein et une baisse du PIB régional de 0,6%. Ici il baisse prévue sur une année est de 13,5 %.
Donc, ce budget, et sa stratégie d’investissement en baisse, marquent une rupture surprenante avec la ligne que nous avons jusqu’ici porté. Les écologistes ne défendent pas une logique d’investissement pour elle-même, comme le défend l’analyse keynésienne.
Nous défendons l’investissement pour réaliser la transition écologique. Nous avons une autre définition du « sérieux budgétaire ». Ces mots valises que vous êtes nombreux à défendre dans cette assemblée, à droite comme à gauche, comme Monsieur Bournazel ou Monsieur Féraud pour justifier des réductions austéritaires de dépenses de fonctionnement. Pour nous, cela signifie d’avoir un budget compatible avec nos objectifs politiques. L’objectif, vous le connaissez, éviter le chaos climatique. Vous en parlez beaucoup toutes et tous mais quand il faut passer aux actes, il n’y a plus personne. Madame La Maire, a elle même terminé son intervention sur la dette écologique mais le budget qui nous est proposé est en baisse de 230,7 millions ! Où est la cohérence ? Comme l’a dit ma collègue Fatoumata Koné, nous avons, selon les scientifiques, 10 ans pour agir. Nous n’allons pas attendre les prochaines élections pour agir. Nous devons agir tout de suite avec ce budget, d’où cet amendement budgétaire de 80 millions.
Le bleu “plan climat” nous montre que nous sommes très en retrait par rapport à ce que nécessite la situation écologique. Concernant l’énergie, il nous manque toujours le schéma directeur de l’énergie, promis depuis deux ans. Sans celui-ci, il est difficile de programmer des investissements.
Un exemple structurant, la CPCU et la stratégie neutralité carbone d’ici 2050. Si nous voulons y parvenir, il faudra supprimer outre le charbon, toujours utilisé, trouver de nouvelles sources de chaleurs comme la géothermie. Le bleu “plan climat” ne hiérarchise pas les priorités. Par exemple, il est mis en avant page 7, la récupération de chaleur par les égouts. Mais l’objectif de 79tCO2 par an est ridiculement bas. Par contre, les données présentées dans le bleu “plan climat” montre le décalage entre la réalité de la rénovation thermique et les objectifs du Plan climat. L’objectif de 4 500 logements sociaux rénovés par an depuis 2009, puis de 5000 à partir de 2020 signifie qu’à ce rythme, il faudra encore 40 années pour rénover l’ensemble du parc social. De même, le dispositif “Eco-rénovons” et “Coachcopro” a permis la rénovation thermique de 3 929 logements par an en moyenne depuis 2016 mais à ce rythme il faudrait au moins 140 années pour assurer la rénovation thermique de la moitié du parc privé de la ville de Paris. Or, nous avons prévu la neutralité carbone pour 2050, dans 31 ans.
Les projections de construction à partir de la page 20 des opérations d’urbanisme à venir à Paris apparaissent comme une provocation dans ce bleu “plan climat”, notamment avec le projet Bercy-Charenton et ses tours. Nous y reviendrons dans le débat urbanisme à ce Conseil.
Malgré notre protestation, ce document continue à confondre îlots de fraîcheur et lieu frais, malgré l’amendement voté au plan climat. Il n’y a pas 922 îlots de fraîcheur comme cité page 42. Un îlot de fraîcheur est un espace naturel qui génère de la fraîcheur, notamment grâce à l’évapotranspiration des arbres. Pourtant ce même document reconnaît que “les températures sont plus élevées au sein d’espace fortement minéralisés (Lariboisière) qu’au sein d’espaces végétalisés (Parc Montsouris).”
Ce bleu “Plan Climat” n’est pas satisfaisant, c’est pourquoi que nous nous réjouissons de la délibération SG 69 sur laquelle mon collègue Jacques Boutault va prévoit la mise en place d’une budgétisation verte avec la convention avec I4CE-Institute for Climate Economics
En avril dernier, il y a 8 mois, les scientifiques annonçaient que la Terre, notre planète (et, je le rappelle, il n’y en a pas de rechange), a entamé sa 6e extinction de masse. Vue cette annonce, ce devrait être le branle bas de combat. Mais au lieu de cela, on s’attache à la dette financière, la seule que nous pourrons effacer. Car la dette environnementale que nous léguons à nos enfants, elle est ineffaçable.
Nous avons déposé un amendement budgétaire fort modeste, pour réintroduire un investissement sans rupture dans certains secteurs de la transition écologique. Nous espérons qu’il sera voté par chacune et chacun de nos collègues de cet hémicycle.
Comme nous savons que vous êtes toutes et tous sensibles plus sensibles à la sobriété financière qu’à la sobriété écologique, nous vous proposons un amendement certes important, 80 millions d’euros mais qui n’entraîne pas forcément une hausse de la dette. Nous l’avons calculé sur le montant de l’excédent de l’épargne brute prévu entre ce budget prévisionnel et celui de l’année dernière. Nous demandons par ailleurs la suppression de deux Autorisations de Programme contestées et qui feront l’objet de débats lors de l’élection municipale, celle de 1,6 millions pour le projet Réinventer MontParnasse et celle de 8,7 millions pour le Projet Urbain Partenarial avec Ceetrus sur la Gare du Nord. En contrepartie si cela n’est pas suffisant, la section des recettes de fonctionnement est gagée sur l’augmentation des DMTO car il est important de flécher les recettes sur les investissements d’avenir, ceux qui préservent notre environnement et nos écosystèmes. Car à quoi bon rembourser une dette si la ville que nous chérissons n’est plus habitable ?
Nous proposons donc un amendement budgétaire de 80 millions d’euros. Il impacte la section d’investissement du Budget Primitif pour 2020 en ré-abondant de 20 millions le budget d’investissement “transport” pour permettre un renforcement du plan vélo, en ré-abondant de 4 millions le budget d’investissement “environnement” pour la rénovation thermique des bâtiments de la ville et 36 millions la section “Aménagement des territoires et Habitat” pour venir en aide aux copropriétés privées et aux bailleurs sociaux pour la rénovation thermique et en ré-abondant de 20 millions d’euros la section “Aménagements des territoires et Habitat” pour accélérer la débitumation de la voirie.
Amendement raisonnable qui nous semble votable par tous les bancs de l’Assemblée nationale car il permet de maintenir une transition budgétaire et politique sur des investissements prioritaires entre ce vote budgétaire et celui de post-élection municipale, quelle que soit notre position sur le budget global..
Mes Collègues compléteront mon intervention, Joëlle Morel en présentant les autres vœux, Jacques Boutault sur l’idée d’un budget vert avec le partenariat avec I4CE et Pascal Jullien, sur le budget de la Préfecture de Police.
- Budget primitif 2020 : Pour un budget à la hauteur du défi climatique – Intervention de Fatoumata Koné
- Budget primitif 2020 : Un budget qui manque particulièrement d’ambition – Intervention de Joëlle Morel
- Budget primitif 2020 : Convention avec I4CE-Institute for Climate Economics – Intervention de Jacques Boutault
- Budget primitif 2020 : Débat sur le budget de la préfecture de Police – intervention de Pascal Julien
- Vote du Budget primitif 2020 : Explication de vote de David Belliard et résultat du vote