Généralisation des distributions de goûters bio dans les écoles élémentaires parisiennes.
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 Lors du Conseil de Paris de décembre 2016, un vœu demandant l’expérimentation de distributions de goûters dans les écoles élémentaires parisiennes a été adopté, sur proposition du groupe écologiste de Paris. Ces distributions étaient déjà effectives depuis mars 2016 dans le 13e arrondissement, grâce à l’action de la FCPE-13e. Par la suite, des distributions ont également été mises en place dans les écoles élémentaires du 9e arrondissement, et de façon partielle dans les 15e, 18e et 19e arrondissements. Ces expérimentations, dont les résultats sont salués par les parents d’élèves et le personnel encadrant des établissements concernés, vont être reconduites l’année prochaine.

Compte tenu de ces succès, la présente délibération vise à étendre ce dispositif à toutes les écoles élémentaires de la capitale, en renforçant ses exigences écologiques et en y intégrant une dimension pédagogique.


Enjeux

Derrière l’apparente légèreté d’un sujet qui fleure bon la cour de récréation, l’institution du goûter se trouve à la croisée de plusieurs enjeux majeurs pour notre collectivité : la santé environnementale, la résilience alimentaire des grands centres urbains, la lutte contre les inégalités ou encore l’éducation à une consommation écoresponsable.

 

Une question de santé publique

Le goûter est un repas structurant pour les enfants : c’est un moment de pause dans l’après-midi, qui leur permet de récupérer des forces et de maintenir l’attention nécessaire à l’apprentissage et au suivi des activités. S’il est varié, équilibré et issu d’une production durable, il contribue à une croissance saine de leurs organismes. Le Programme National Nutrition Santé (PNNS), dans ses recommandations pour les enfants et les adolescent.e.s, prône ainsi la prise d’un goûter quotidien dans l’après-midi et à heure régulière.

Le goûter permet également d’éviter le grignotage en attendant le dîner, phénomène dont on connaît le rôle dans le développement des problèmes de surpoids et d’obésité. C’est un élément important quand on sait que l’étude commandée à l’Observatoire régional de santé (ORS Île-de-France) estime que près d’un enfant parisien sur six (15,6 %) en CE2 présente un excès de poids.

Les goûters distribués dans les écoles élémentaires devront tendre vers 100% de produits issus de l’agriculture biologique (à l’image de ce qui se fait dans les écoles maternelles du 2e arrondissement), agriculture dont on connaît les vertus pour la préservation de l’écosystème et qui protège par ailleurs le développement cognitif de l’enfant. L’intégration de la production bio dans le PNNS-4 constitue une avancée majeure dans les objectifs nutritionnels de santé publique.

 

 Promouvoir la transition écologique

Pour accompagner nos agriculteurs dans une transition écologique que la crise de notre modèle productiviste rend impérieuse, les pouvoirs publics doivent, à leur échelle, encourager les modes de production écoresponsables. 

Dans le domaine de l’alimentation, cela passe tout d’abord par le développement d’une éco-agriculture qui concilie les objectifs de préservation de la biodiversité et d’une production alimentaire saine pour les consommateurs comme pour les producteurs, excluant par exemple l’utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires chimiques de synthèse.

Les produits proposés aux enfants dans les goûters scolaires doivent donc en priorité être issus de l’agriculture biologique, et répondre à un cahier des charges intégrant à minima les critères considérés dans le Plan d’Alimentation Durable adopté au Conseil de Paris le 1er juillet 2015 (produits issus de l’agriculture biologique, produits agricoles locaux et de saison et produits labellisés). 

Les emballages devraient être réduits au strict minimum (pas d’emballages individuels) et les contenants biodégradables/recyclables systématiquement privilégiés. Conformément à sa stratégie d’achats responsables, une part de plus en plus importante des marchés de la Ville ont des clauses d’économie circulaire. Il faut impérativement amplifier cette dynamique. 

Ces distributions de goûters seront l’occasion d’encourager les filières agricoles locales (circuits courts) et respectueuses de l’environnement, en offrant un débouché régulier à leur production, notamment pour les fruits ou les céréales. En cela, cette délibération s’inscrit pleinement dans l’axe 2 du Plan d’Alimentation Durable « Aider au développement des filières durables de proximité à destination de la restauration collective ».

 

 Une mesure sociale

L’alimentation constitue un des postes de dépenses les plus importants des ménages, surtout pour les foyers avec les plus faibles revenus. La dernière étude de l’INSEE estime à 16 % les ménages les plus modestes qui consacreraient un surcroît de revenu à l’alimentation. La distribution gratuite de goûters (comme dans le 9e arrondissement) ou tarifée en fonction du quotient familial (comme dans le 13e arrondissement) représenterait donc une économie non-négligeable pour le budget des foyers.

D’autre part, cette mesure permettrait d’améliorer l’accès de tous les enfants Parisiens à une alimentation saine et durable, dont le prix est généralement supérieur à celui des produits équivalents industriels. Cette mesure s’inscrit donc également dans la Stratégie de Paris pour une alimentation durable, dont l’axe 1 prévoit de « démocratiser l’accès à des produits frais et durables ».

Enfin, du point de vue de l’emploi, le Plan Alimentation Durable de Paris note avec justesse que « l’agriculture périurbaine contribue au maintien de l’emploi agricole. L’agriculture biologique emploie 30% de main d’œuvre supplémentaire et permet de réduire les dépenses publiques dues aux pollutions agricoles de l’eau ». Autant de raisons de développer des partenariats avec les agriculteurs durables qui subsistent autour de Paris.

La Ville devra enfin monter en charge sur les clauses sociales d’insertion de ces marchés, afin de favoriser l’emploi des personnes en difficulté sociale et/ou professionnelle.

 

 Un temps pédagogique

L’urgence de la crise écologique actuelle, telle que scientifiquement établie par le dernier rapport du GIEC sur le climat ou celui de l’IPBES sur la biodiversité, nous impose à la fois une transformation radicale de notre mode de production, mais aussi de notre mode de consommation qui dicte en grande partie les orientations des producteurs alimentaires. 

L’éducation à une consommation responsable est donc un élément central de la transition écologique, et ces distributions de goûters peuvent être une occasion de développer la conscience écologique des écolier.e.s.

Diverses activités peuvent être envisagées dans ce cadre : rencontre avec des agriculteurs locaux bio ou labellisés, campagnes de sensibilisation au développement durable et à l’éco-agriculture, ateliers de tri et de compost, développement de mini-potagers dans les écoles, et bien sûr toutes les initiatives qui pourront émaner directement du personnel en charge de ces temps, des familles ou des élèves.

Le Pacte de politique alimentaire urbaine de Milan, signé le 15 octobre 2015 par Paris et 158 autres métropoles internationales, insiste sur le rôle essentiel des écoles dans l’évolution des mentalités : l’action 7 de son cadre pour une politique alimentaire urbaine prévoit ainsi de « promouvoir une alimentation durable (saine, sûre, culturellement adaptée, respectueuse de l’environnement et des droits) à travers des programmes pertinents d’éducation, de promotion et de communication pour la santé, en particulier dans les écoles, les centres de soins, les marchés et les médias. ».

Dans la même logique, et afin de lutter contre les dangers liés au surpoids, le plan Paris Santé Nutrition décline depuis 2009 des séries d’actions de prévention et d’éducation nutritionnelle dans les écoles, avec l’appui du Pôle promotion de la santé et réduction des inégalités (DASES). Des actions similaires d’éducation environnementale doivent être envisagées sur ces temps de goûter, à raison d’un atelier thématique par semaine.

 

Dispositif

Des goûters sont d’ores et déjà proposés aux élèves de toutes les écoles maternelles parisiennes, selon un modèle payant dont le tarif varie en fonction du quotient familial (la tarification à l’unité varie entre 0,09 € à 1,76 € par goûter). L’extension de ce service aux écoles élémentaires s’inscrit donc dans la continuité de l’action municipale.

Les arrondissements proposant des distributions dans les écoles élémentaires le font aujourd’hui selon différents modèles : gratuit dans le 9e arrondissement, ou tarifé en fonction du quotient familial dans les autres arrondissements (entre 0,05 € / 0,80 € par goûter dans le 19e, entre 0,10 € / 1,10 € dans le 13e).

 

 Concertation préalable

Une première étape de réalisation de cette délibération consistera donc en une concertation entre les services de la Ville (DASCO et CASPE) et les différentes Caisses des écoles (CDE) pour définir les modalités de mise en oeuvre de ces distributions en fonction des spécificités de chaque arrondissement.

Comme mentionné dans le rapport de la Mission d’Information et d’évaluation (MIE) de 2016 relative à la politique dédiée au périscolaire à Paris, la coopération avec les CDE existe déjà de façon plus ou moins développée selon les arrondissements. Il conviendra donc de proposer la mise en place d’un cadre d’échange officiel (comité de pilotage) pour formaliser et pérenniser cette coopération et mettre en place, outre les distributions de goûters, des projets d’animation communs : création de menu, participation à des dégustations, ateliers, etc.

Cette concertation permettra également de décider de la répartition des tâches entre les Caisses des écoles et les CASPE. La gestion des commandes des denrées et de la logistique par les CDE permettrait de mutualiser les achats alimentaires des établissements scolaires. Quant aux distributions, elles sont aujourd’hui assurées soit par du personnel des CDE, soit par des animateurs ou des REV. Cette dernière formule est cohérente avec le fait que les goûters se tiennent sur un temps périscolaire, et avec la dimension pédagogique que nous souhaitons y intégrer. Cela nécessitera une évolution dans la fiche de poste des personnels concernés de la DASCO, pour inclure cette mission “goûters” dans le projet éducatif dont ils ont la charge. 

Une autre question sera celle du caractère obligatoire ou non des goûters dès l’inscription aux activités périscolaires, et du maintien ou non de l’option de fourniture du goûter par les parents.

Une fois tous ces éléments arrêtés, un comité de suivi sera constitué pour s’assurer de la bonne mise en œuvre de ces distributions sur le long terme.

 

 Composition des goûters

Les goûters distribués dans les écoles élémentaires expérimentatrices proposent entre 2 et 3 composantes, conformes aux critères recommandés en 2015 par le Groupe d’Étude des Marchés de Restauration Collective et Nutrition (GEM-RCN), à savoir : « Le goûter comporte au minimum une boisson + deux des trois éléments suivants : aliment céréalier (pain, biscottes, ou autre produit céréalier,…), produit laitier (lait, yaourt, fromage ou autre produit laitier, …), fruit »

Pour les raisons de santé et d’encouragement à l’éco-agriculture évoqués plus haut, nos exigences en matière de qualité des achats devront être supérieures à ce que le GEM-RCN recommandait, et la part des produits issus de l’agriculture biologique tendre vers 100%. Il convient d’être vigilants sur les produits laitiers dont la surconsommation peut être problématique, sans parler des cas d’intolérance au lactose : des alternatives végétales pourront être étudiées. 

Au sein de la production bio, les produits bruts devront être privilégiés afin de réduire la teneur en lipides saturés, souvent trop élevée dans les produits transformés comme les  gâteaux et les pâtisseries. L’intégration dans les goûters de céréales complètes, dont on connaît la richesse en nutriments et vitamines, doit être encouragée. Il importe également de remplacer les produits conditionnés en emballage individuels par du vrac ou des emballages collectifs pour limiter la production de déchets non-recyclables/biodégradables.

Pour le détail de la composition des goûters, les systèmes des commissions “menus” (où le choix des nutritionnistes des Caisses des écoles est validé par des parents d’élèves et/ou des délégué.e.s de classe) permet une appropriation des enjeux nutritionnels et écologiques par les familles, et fait donc partie des bonnes pratiques à encourager.

 

 Conditions de distribution

Dans les écoles élémentaires ayant déjà adopté le dispositif, les distributions des goûters ont lieu sur la tranche horaire du périscolaire, à partir de 16h30.

La Mission d’information et d’évaluation de Paris sur le périscolaire préconisait, dans l’optique d’une généralisation des goûters en élémentaire, de rendre disponibles les réfectoires sur ce temps. Ces espaces sont en effet particulièrement adaptés à ces distributions : ils favorisent le calme et l’attention des élèves, permettent une meilleure hygiène, moins de gaspillage, et sont généralement situés à proximité des lieux de stockage (quand ils existent), ce qui facilite la préparation des goûters et leur distribution.

Le mode de stockage des denrées varie selon les établissements et le type de produits achetés. Si les goûters distribués dans les établissements du 15e arrondissement sont ainsi fournis avec des emballages individuels et n’exigent pas de modalités spécifiques de stockage (conservation à température ambiante), la distribution de produits locaux, durables et peu/pas transformés exige en revanche un mode de conservation adapté aux produits frais (fruits ou produits laitiers notamment). Des dépenses d’investissement matériel, pour aider les écoles ne disposant pas de moyens de stockage adaptés à en acquérir, devront donc également être envisagées.

 

 Coût de l’opération

Le coût de revient annoncé par les caisses expérimentatrices est en moyenne de 0,50 € pour un goûter classique. Pour un goûter issu de l’alimentation durable, il serait de 1,04 € environ (coût moyen du goûter “bio” les maternelles du 2e arrondissement). Compte tenu des éléments exposés ci-dessus, c’est cette dernière option qui doit être retenue

Le coût global de la mise en place de distributions de goûters issus de l’alimentation durable dans l’ensemble des écoles élémentaires parisiennes peut être évalué à 5,91 millions d’euros. Ce chiffre se base sur une estimation de 31 000 élèves fréquentant les études surveillées en élémentaire, à raison de 140 jours par an soit un total de 4,34 millions de goûters par an. Avec un coût unitaire de 1,04 € TTC par goûter, le coût denrées s’élève à 4,51 millions d’euros, auquel il faut ajouter 1,4 millions d’euros pour le personnel.

Le coût net à financer par la Ville dépendra du modèle retenu lors des concertations avec les Caisses des Écoles, mais on peut fixer une estimation haute à 5,91 millions d’euros si c’est le choix du goûter gratuit qui est retenu, comme dans le 9e arrondissement. Dans le cas du modèle payant, la question d’une progressivité identique à celle du repas du midi pour les goûters sera vraisemblablement évoquée lors des concertations (l’hypothèse d’un goûter à 0,10 € et d’un repas à 0,13 € posant question).

 Le coût de l’opération pour la Ville sera dans tous les cas compensé par les externalités positives de cette mesure en termes de santé, d’éducation et de résilience de notre modèle agricole.

 


Projet de délibéré


 

Le Conseil de Paris,

Vu la proposition de délibération par laquelle le Groupe écologiste de Paris (GEP) lui propose la généralisation de distributions de goûters issus de l’alimentation durable à Paris ;

Délibère :

Article 1 : Une réunion avec les caisses des écoles est organisée dans les plus brefs délais pour désigner un comité de pilotage chargé d’examiner les modalités d’application de ces distributions, et présidé par les adjoint.e.s à la Maire de Paris compétents dans ce domaine;

 Article 2 : Une subvention spécifique est proposée aux caisses des écoles volontaires pour la mise en œuvre, dès la rentrée de septembre 2020, de distributions de goûters bio.

 

Adopté 

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