Fait le 26 mai 2020,
À Paris
David Belliard,
Président du groupe écologiste de Paris
Conseiller de la métropole du Grand Paris
Pablo Libreros,
Directeur général Granulats de Lafarge
Objet : projet de centrale à béton port de Javel bas
Monsieur le Directeur,
La construction de l’usine à béton sur le port de Javel-bas engendre depuis maintenant plusieurs années de nombreuses crispations. Les différentes problématiques générées par une activité de production de béton, tant vis à vis des habitants que de l’environnement, ont été maintes fois énoncées par l’association des riverains du port de Javel. Je ne retracerai pas tout l’historique, extrêmement dense, de ce dossier. Les riverains.es ont déjà eu l’occasion, lors d’une réunion, puis de manière dématérialisée, de vous faire part de leurs demandes légitimes. L’absence d’accord entre Lafarge et l’association, mais aussi avec la ville, qui les soutient, notamment suite à la réunion de concertation du 11 février dernier, signifiait a minima une suspension dans l’attente d’un consensus sur le projet. Malgré cela, dès le premier jour de déconfinement, les travaux ont repris, sans concertation ni communication préalable, suscitant l’indignation et la colère compréhensible des riverains, notamment dans un cadre où les travaux se sont tenus sur des horaires fort étendus, voire de nuit. Cela est évidemment totalement incompatible avec le respect de la tranquillité des riverain.es. Vous avez accepté la suspension des travaux dans un mail du 22 mai au terme duquel les riverains.es vous ont adressé une lettre circonstanciée le 25 mai.
A l’heure d’un dérèglement climatique galopant, il est urgent que la France réduise drastiquement sa production et son utilisation de béton. C’est bien aux activités économiques de se rendre compatibles avec la préservation du cadre de vie des riverains.es, du patrimoine parisien et de notre environnement, et non l’inverse. Si un projet ne peut se faire dans ce cadre – celui des demandes légitimes des riverains.es mais aussi des enjeux patrimoniaux propres aux quais de Seine qui sont des lieux de respiration et de promenade pour de nombreux Parisiens -, alors il devra se faire ailleurs. Il est impensable que des intérêts économiques prennent le pas sur l’intérêt général, le cadre de vie et la mise en valeur de la capitale.
Au vu de ces éléments, la construction d’une nouvelle centrale à béton au cœur de Paris est incompatible avec les enjeux que nous devons relever.
En effet, sa réalisation sur ce lieu précis, à quelques mètres du Pont Mirabeau, monument historique, du Parc André Citroën, « poumon vert » du 15e arrondissement et d’immeubles d’habitation abritant plusieurs milliers de personnes, constitue une aberration écologique, inenvisageable à une époque où la préservation de l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique constituent des préoccupations déterminantes pour les Parisiens.
En outre, si elle était implantée à cet endroit, l’usine à béton serait située au cœur d’un « corridor écologique » clairement identifié par le Schéma régional de cohérence écologique d’île-de-France. La préservation de la biodiversité sur les rives de la Seine exige que n’y soient autorisés que des projets profondément respectueux de l’environnement et comportant une forte proportion d’espaces végétalisés, ce qui n’est pas du tout le cas de votre projet.
De plus, les pollutions engendrées par l’exploitation de l’usine à bétons, qu’il s’agisse des matériaux particulièrement polluants déversés dans les « bassins de traitement des déchets », de la noria de camions toupie roulant au diesel, ou du stationnement à proximité des habitations de barges chargées de matériaux pulvérulents, apparaissent absolument incompatibles avec la préservation du cadre de vie des habitants de ce quartier.
Par ailleurs, l’aspect massif et inesthétique des installations projetées est en décalage avec les prescriptions explicites du Plan local d’urbanisme pour cette zone : l’article UGSU.11.6 du Règlement du PLU dispose en effet que « compte tenu de la localisation des ports de la Bourdonnais et de Javel-bas à proximité immédiate de la zone urbaine verte [Parc André Citroën], une attention particulière doit être apportée au traitement architectural et à l’aspect des installations techniques projetées”.
Enfin, ce projet ne respecte pas le Cahier des prescriptions architecturales et paysagères régulant les pratiques des amodiataires sur les berges de Seine. Les installations projetées sont plus hautes que les dimensions prescrites par ce document et la volumétrie des matériaux stockés sur le fleuve excède les normes établies dans le CPAP.
Je vous demande donc l’abandon de ce projet, aussi nuisible pour les habitants que pour la préservation de notre environnement, comme demandé par le Conseil de Paris, lors de sa séance du 14 juin 2019.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de mes sincères salutations.
David Belliard
Copies à :
Anne Hidalgo, Maire de Paris
Jean-Louis Missika, Adjoint à la Maire de Paris en charge de l’urbanisme
Antoine Berbain, Directeur général du Port autonome de Paris
Dominique Sauret Velle, Présidente de l’association Les Riverains du Port de Javel
Maryse Fourcade, Vice-présidente de l’association Les Riverains du Port de Javel
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