À Paris, face au confinement, adaptons notre espace public. Ville de la voiture reine, Paris a une répartition de l’espace public très inégale, avec un espace public dédié, si on prend en compte les routes et les places de parking, pour moitié à la voiture, des trottoirs étroits et des pistes cyclables encore trop peu nombreuses.
En cette période de confinement et de ralentissement intense de l’activité, les déplacements ont chuté et la circulation automobile avec, libérant autant d’espace de route. Les rues sont presque vides, mais on observe dans le même temps une recrudescence de la vitesse des voitures qui continuent à circuler, sans doute grisées par cet espace vide à perte de vue et mettant en danger les piétons.
Le confinement, révélateur et creuset des inégalités existantes
Le président de la République a annoncé le 13 avril un déconfinement progressif au 11 mai, officialisant ce qui était déjà presque une évidence : le confinement durera encore au moins un mois.
Alors, évidemment, personne ne s’en réjouit. Chacun se languit de sa liberté perdue, aimerait pouvoir, comme avant, renouer avec des plaisirs simples, comme se promener dans un parc, prendre un verre en terrasse ou tout simplement s’asseoir sur un banc sans devoir contrôler l’heure notée sur son attestation.
Car, avec le confinement, c’est une forme d’insouciance que nous avons perdue, celle de pouvoir claquer la porte de chez soi derrière soi sans regarder sa montre, celle de croiser d’autres passants en toute sérénité, celle de voir nos proches.
Mais au-delà de cela, derrière le confinement, c’est aussi et surtout un véritable drame social qui se joue, à travers un creusement des inégalités d’autant plus sournois qu’il est plus que jamais caché. Celles que l’on savait, celles que l’on ignorait, celles que l’on ne voulait pas voir et qui aujourd’hui sont invisibles mais plus fortes et violentes que jamais. Car à l’heure du confinement, plus moyen de sortir et d’oublier quelques heures la précarité de ses conditions de logement en trouvant un refuge parfois salutaire dehors. Paris est composée de nombreux petits logements, ce qui rend le confinement extrêmement lourd à vivre pour de nombreuses familles. Privation de confort, insalubrité, surpeuplement du logement, autant de difficultés qui concernent plusieurs milliers de ménages, sans que rien ne leur soit proposé pour alléger un peu leurs conditions de vie.
Alors, disons-le : dans le confinement, nous ne sommes pas égaux. L’espace public est un amortisseur des inégalités qui aujourd’hui ne peut plus remplir sa tâche sans que les Parisien.ne.s se mettent en danger.
Une meilleure répartition de l’espace public, un levier pour plus de justice sociale et environnementale
Cela a été énormément dit et écrit : cette crise et le confinement qu’elle implique doit être l’occasion de repenser vraiment l’espace public dont nous disposons et en cela de préparer à la fois la sortie du confinement et l’après confinement.
Les mesures de confinement en France sont moins restrictives que dans d’autres pays, autorisant les sorties d’une heure, pour promener son chien, faire du sport ou simplement prendre l’air. Mais à Paris, l’espace dédié aux piétons est tellement congru que l’on se retrouve dans une situation où ces possibilités offertes ne peuvent pas se faire dans le respect des gestes barrières et de distanciation sociale de manière sécuritaire.
En tant qu’autorité publique, notre rôle est de permettre aux gens de respecter les consignes sanitaires. Il est donc de notre responsabilité d’adapter les mesures de confinement décidées par le gouvernement à la réalité du cadre de vie de nos concitoyens et de créer les conditions de respect de ces règles.
En cela, repenser l’aménagement de l’espace public est une priorité et un enjeu sanitaire majeur pour limiter au maximum les rencontres, les contacts et donc maximiser l’évitement de la contamination. Cet aménagement consiste en fait à récupérer les espaces libérés par la voiture afin de les rendre aux personnes pour qu’elles puissent jouir de leur heure de sport ou de balade ou faire leurs courses en toute sécurité.
Depuis quelques jours, des voix s’élèvent en ce sens pour réclamer la venue en France et a fortiori à Paris d’un urbanisme dit “tactique”. Nous nous associons très clairement à ces demandes, qui recoupent ce que les écologistes portent depuis longtemps au sujet de l’organisation d’un espace public trop déséquilibré au détriment des piétons et des cyclistes.
D’une part, à la sortie du confinement, tout le monde s’accorde pour dire que nous devrons collectivement inciter les gens à utiliser plus les mobilités douces et actives pour leur permettre d’éviter le métro et qu’en cela, le vélo pourrait être le principal moyen de transport permettant la distanciation sociale. Et cela tombe bien : Paris et sa métropole sont très adaptées au vélo, car les distances y sont souvent courtes : 74% des déplacements y font moins de 5 km, tandis que 70% des Parisien.ne.s habitent à moins de 2,5 km de leur lieu de travail. La pratique pourrait donc vraiment y exploser, encore faut-il que les gens se sentent en sécurité dans l’espace public.
Nous, élu.e.s écologistes de Paris, estimons que cette période de confinement doit préparer d’une part la sortie du confinement, qui sera sans doute longue et progressive et d’autre part le post confinement. C’est donc le moment idéal pour mettre en place les politiques de développement des mobilités douces et actives dont Paris a cruellement besoin.
Pour cela, nous proposons plusieurs mesures à mettre en place immédiatement pour sécuriser les piétons et les cyclistes :
- donner plus de place aux piétons en piétonnisant des rues sur le modèle de ce qui se fait lors des dimanches sans voiture ;
- réduire la vitesse à 30km/h sur les grands axes et à 20km/h sur les voies qui sont déjà à 30km/h ;
- sécuriser les déplacements à vélo sur les grands axes en mettant en place des aménagements simples et non coûteux comme de la peinture au sol ou des plots, afin de créer des pistes cyclables temporaires pour les gens qui travaillent et doivent pouvoir se déplacer en toute sécurité dès maintenant.
Ces mesures permettent par ailleurs de préparer la sortie du confinement car elles participent de la mise en place d’une politique publique créant une alternative aux transports en commun afin de les désaturer.
Se projeter vers l’après-crise
Pour l’après, c’est toute une refonte de la voirie dont Paris a besoin. Nous soutenons ainsi la poursuite d’un grand chantier d’élargissement des trottoirs, de création de davantage de pistes cyclables grâce à l’utilisation des places de stationnement, de création de places de stationnements sécurisés et enfin de sécurisation des abords des établissements accueillant des enfants, comme les écoles, les crèches. De manière générale, il est impératif que nous avancions plus vite et plus loin sur les plans vélos prévus et que nous revoyions à la hausse nos ambitions collectives sur le déploiement des mobilités actives et douces. Notre espace public doit permettre aux Parisien.nes d’appliquer une distanciation sociale nécessaire tant dans le cadre du déconfinement que pour éviter de nouvelles vagues de contamination. Dans ce cadre, il sera nécessaire que la ville soit bien plus sévère encore sur tout ce qui relève d’un encombrement des espaces communs, par exemple en procédant à l’enlèvement systématique de tout véhicule motorisé sur le trottoir.
Cette crise est mondiale. Il nous est plus que jamais nécessaire de penser les sujets dans leur globalité. Ainsi, les mobilités doivent a minima se penser à un niveau métropolitain : c’est dans ce contexte que nous avions fait la proposition de créer un Vélopolitain, soutenu et porté par les associations vélo et de cyclistes. Nous pouvons le réaliser dès maintenant grâce à des aménagements provisoires. Ensuite, à l’échelle métropolitaine aussi, la sécurisation des espaces publics pour les piétons et les cyclistes est un sujet majeur. La métropole du Grand Paris doit avoir ce rôle moteur pour impulser ce travail, par exemple en faisant limiter les vitesses à 30km/h dans tous les centres urbains.
Dans cette période inédite, nous devons tirer de cette crise sanitaire les leçons pour répondre aux périls qui nous attendent ensuite, notamment le plus grand d’entre tous, celui du dérèglement climatique. Nous, les écologistes, le disons depuis longtemps, la mobilité est un levier essentiel dans cette lutte.
Le mot d’ordre reste très clair : il faut rester chez soi de préférence pour stopper l’épidémie. Mais, dès aujourd’hui, aider les Parisien.ne.s à respecter les règles sanitaires de distanciation en leur donnant plus de place sur l’espace public, c’est aussi préparer la ville de demain. Cet aménagement temporaire doit être une préfiguration de la suite et cette crise, une opportunité de créer la ville de demain que nous devons impérativement saisir. Au bout du chemin, cette réflexion devra avoir pour objectif de long terme de faire du vélo un des modes de transport privilégiés de la petite couronne.
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