Courrier à Anne Hidalgo, Maire de Paris – Lutte contre le coronavirus, propositions du groupe écologiste
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Fait le 10 avril 2020,
À Paris

 

Monsieur David Belliard
Président du Groupe Écologiste au Conseil de Paris

Madame Fatoumata Koné
Vice-présidente du Groupe Écologiste au Conseil de Paris

Monsieur Pascal Julien
Vice-président du Groupe Écologiste au Conseil de Paris

 

                                        Anne Hidalgo
Maire de Paris

 

Madame la Maire,

En cette période de crise sanitaire sans précédent, notre groupe tient à vous exprimer, ainsi qu’à toutes les agentes et tous les agents mobilisé.e.s à vos côtés, toute notre solidarité et notre reconnaissance pour les efforts que vous déployez afin de maintenir les services publics municipaux indispensables et de lutter contre la propagation du COVID-19 et ce dans des conditions extrêmement difficiles. Nous adressons également tous nos remerciements aux soignant.e.s, agent.e.s de la distribution, agent.e.s de la collectivité et des transports, associatif.ve.s, et tou.te.s celles et ceux, nombreuses et nombreux, mobilisé.e.s pour maintenir les services vitaux durant cette crise. Nous avons enfin une pensée pour toutes les victimes de cette terrible pandémie, ainsi que pour leurs familles.

La crise que nous traversons a des impacts inédits sur le quotidien des Parisien.ne.s et aura des conséquences au long cours sur notre ville. Elle met également en lumière de manière exceptionnellement dramatique les défaillances de notre système et révèle des problématiques inédites qui appellent des réponses urgentes.

Dans ce cadre, nous saluons les mesures déjà mises en oeuvre par la ville pour garantir le respect des mesures de confinement, accompagner les médecins, les infirmier.e.s et de manière générale les personnels de santé, apporter une aide aux personnes fragiles, isolées ou en situation de précarité et aux acteurs économiques, ou encore assurer la continuité des services de propreté et de sûreté. Nous saluons également les Parisien.ne.s qui, encore une fois, ont été au rendez-vous de la solidarité.

Suite à votre courrier du 5 avril qui recense les principales mesures déployées par la municipalité dans ce contexte de crise, nous souhaitons porter à votre attention quelques propositions de mesures complémentaires.

En premier lieu, concernant le domaine médical et sanitaire, nous nous associons à la demande que vous faites dans votre courrier au Premier Ministre du 6 avril concernant la généralisation du dépistage à l’ensemble des établissements collectifs. La mise en oeuvre rapide de cette mesure permettra de procéder aux quarantaines indispensables pour juguler la pandémie. Il faudra également, dès que les tests virologiques seront disponibles, en étendre progressivement l’accès à l’ensemble des Parisien.ne.s. 

Evidemment, les difficultés liées au manque de tests disponibles en quantité suffisante pour répondre aux besoins sont importantes. Alors que la Ville de Paris ne dispose plus d’aucun laboratoire d’analyse biologique, alors que leur existence aurait pu être une ressource importante dans la période actuelle, il conviendra de s’interroger sur la ré-internalisation de cette activité à l’avenir. 

Ensuite, nous saluons la mobilisation de la Ville pour fournir davantage de matériel médical et de protection aux personnels soignants (masques, charlottes, gants, blouses et/ou surblouses, gel hydro-alcoolique). La ville réfléchit aux moyens de s’approvisionner dans un contexte de pénurie massive et selon nous, toutes les forces vives de notre territoire doivent pour se faire être mobilisées. Nous partageons ainsi votre proposition de faire fabriquer des masques par un « réseau d’une trentaine de petites entreprises de l’économie sociale et solidaire » dans « les prochains jours » pour répondre à une offre défaillante. Nous saluons aussi le travail et l’engagement des acteurs de l’économie innovante comme les fablabs et les start-ups sur ce point. En complément et dans une ambition de fabrication plus rapide et massive, nous suggérons que la Ville de Paris, en partenariat avec la Chambre du Commerce et d’Industrie, la Chambre des Métiers de l’Artisanat et tous les partenaires économiques, recense et incite toutes les entreprises qui seraient en mesure de le faire, à produire des matériels médicaux et sanitaires en pénurie pour recouvrer une autonomie dans notre capacité d’action.

Nous saluons les distributions de stocks conséquents de masques à destination de publics non-concernés par la doctrine de l’Etat, notamment dans le secteur médico-social et auprès des agent.e.s municipaux. En complément, il nous semble important que d’autres publics puissent également bénéficier de ces matériels, notamment ceux qui travaillent dans les établissements dont les employé.e.s sont en contact direct avec l’espace public, comme les employé.e.s de la distribution, les pharmacien.ne.s ou encore les agent.e.s d’entretien grâce auxquel.le.s nous pouvons continuer à nous soigner et nous alimenter.

En cette période d’exception où le confinement réduit une partie de nos libertés, la démocratie sanitaire ne doit pas être oubliée. Il faut rapidement alerter l’Etat sur cette nécessité éthique, associer les associations de malades à l’orientation des politiques de soins, remettre la santé environnementale au centre de notre politique de santé publique, et organiser une concertation avec les divers collectifs qui défendent la transparence dans les politiques du médicament et des brevets. Face à une épidémie liée à un modèle de développement à bout de souffle, nous devons inventer collectivement de nouvelles manières d’agir qui allient santé et préservation des ressources planétaires.

En second lieu, nous sommes très préoccupé.e.s par le sort de plusieurs publics qui dans un moment comme celui-ci sont plus que jamais vulnérables et en difficulté.

Au sujet des personnes sans-abri, étant dans l’impossibilité de respecter les mesures de confinement, il est essentiel que les maraudes soient multipliées, tant pour distribuer le matériel de protection de base (masque et gel hydroalcoolique) indispensable dans cette période, que pour accélérer les réorientations vers les centres de desserrement. L’accès à l’eau dans l’espace public doit aussi être amélioré, de trop nombreuses fontaines sont encore fermées suite à la période hivernale, cela nous a notamment été signalé dans le quartier de la Goutte d’Or. Les fontaines publiques sont pourtant souvent les seuls moyens pour les personnes sans-abri d’avoir accès à l’eau, il est urgent qu’elles soient toutes remises en eau le plus rapidement possible.

Les conditions de travail des personnels des services d’aide à domicile, du secteur médico-social ou des auxiliaires de vie, qui vivent pour la plupart en dehors de Paris et effectuent des déplacements longs, fatigants et onéreux, doivent être facilitées. Nous souhaitons par conséquent que soit étudiée la possibilité de prise en charge de leurs déplacements, à travers un système de navettes par exemple, comme il en existe pour le personnel soignant. Ce type de dispositif pourrait être mis en place en partenariat avec l’Etat et la région.

Les aidant.e.s auprès des personnes handicapées devraient également figurer parmi les publics prioritaires pour bénéficier des tests de dépistage, notamment pour permettre aux accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) de poursuivre leur mission de soutien aux parent.e.s.

Les ménages précaires vont quant à eux être lourdement impactés par la baisse de revenus causée par le ralentissement de l’activité économique, notamment avec le chômage partiel. Nous pensons donc qu’il est urgent d’étudier avec les bailleurs sociaux une suspension du loyer des ménages les plus précaires, comme cela a été mis en oeuvre en Seine-Saint-Denis, à Lisbonne, à Berlin ou encore à Barcelone. 

Les écologistes ont déjà largement alerté sur le sujet du public particulièrement vulnérable des jeunes isolés étrangers, que les associations estiment aujourd’hui à plus de 200 personnes à Paris sans solution d’hébergement. Nous réitérons nos demandes que des dispositions d’urgence soient prises pour leur venir en aide, telles que la réquisition de sites susceptibles de les héberger dans des conditions adaptées (comme le bâtiment situé au 14, avenue Parmentier dans le 11e arrondissement), le financement direct de chambres d’hôtel avec un accompagnement spécifique et le remboursement des associations qui offrent ce service. Ces mesures ne seraient que transitoires avant la création d’un centre d’hébergement pérenne.

Autre sujet de préoccupation importante, le sort réservé aux usager.e.s de drogues. Dans le contexte actuel, leur présence dans l’espace public est plus que jamais problématique. Si nous saluons l’annonce de la mobilisation de deux hôtels dédiés de 35 et 23 places, cela reste insuffisant au regard des besoins constatés sur le terrain, nous souhaitons une nouvelle interpellation de la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement d’Ile-de-France pour y répondre le plus rapidement possible. L’ouverture de nouvelles salles de consommation à moindre risque (SCMR) doit d’urgence être mise à l’ordre du jour, celle de la rue Ambroise Paré ne pouvant seule répondre aux besoins parisiens.

La hausse constante des violences conjugales et familiales depuis le début du confinement est un autre sujet de très grande inquiétude. Nous saluons la mise à disposition d’une dizaine de logements pour accueillir les victimes, mais il nous paraît indispensable de protéger plus largement les victimes en éloignant le conjoint violent. Là encore, des chambres d’hôtel devraient être mobilisées pour éloigner les auteurs de violences, dans l’attente de décisions de justice.

Concernant les personnes sans-papier, nous demandons à ce que vous fassiez la demande de leur régularisation auprès de l’Etat, comme cela a été fait au Portugal. Il est essentiel que toutes les personnes présentes sur le territoire français puissent avoir les mêmes droits, notamment en matière de prise en charge médicale.

Enfin, le confinement a des répercussions particulièrement sévères pour les personnes prostituées, dont la plupart ne peuvent prétendre aux aides financières promises par l’Etat aux indépendants pour compenser les baisses d’activité. Nous souhaitons qu’un fond spécial soit créé pour assister financièrement ce public dans cette période exceptionnelle, en priorité pour assurer leurs besoins alimentaires et leurs logements.

Troisième sujet que nous souhaitons aborder : l’éducation. Elle est une vraie préoccupation en cette période. Le confinement constitue en particulier un défi pour assurer la continuité pédagogique et l’égalité entre les enfants : le personnel enseignant peine à consacrer suffisamment de temps à chaque élève, ce qui peut mettre les familles en difficulté, notamment dans les quartiers populaires et mener les enfants à “décrocher” bien souvent faute d’accompagnement. Par conséquent nous demandons que vous interpelliez le rectorat afin qu’un recensement précis des familles desquelles la ville comme les personnels éducatifs sont sans nouvelle soit réalisé, pour chaque établissement parisien. Afin d’assurer une continuité pédagogique aux familles en difficulté ou ne disposant pas d’outils numériques et ainsi lutter contre la fracture numérique, nous suggérons que la reprographie “papier” des leçons et des devoirs soit proposée aux familles. D’autre part, la Ville continue de proposer des dispositifs en soutien scolaire, accompagnement psychologique et aide à la parentalité, mais il faudrait amplifier la communication sur l’existence de ces aides, en envoyant une lettre (papier) d’information aux familles ou en créant un numéro de téléphone spécifique pour les enseignants et parents d’élèves.

Le suivi scolaire est un travail à part entière, qui nécessite des compétences pédagogiques, une connaissance des sujets abordés ainsi qu’une appétence de la part des encadrants. Un appel pourrait également être lancé à destination des bénévoles disposant de compétences en formation, comme par exemple le personnel retraité de l’Education nationale, afin d’offrir aux enseignant.e.s un soutien, à travers les plateformes numériques parisiennes ou par téléphone. La Ville doit faire le lien entre les familles, les structures scolaires, les centres sociaux et les associations luttant contre la fracture numérique, en complément des outils numériques déjà offerts par le rectorat. Un travail avec le rectorat, afin de mettre à disposition des enseignants et directeurs d’établissements le matériel informatique faisant cruellement défaut à certaines familles, pourrait également être envisagé. A moyen terme, il paraît indispensable qu’un plan massif de soutien scolaire soit élaboré avec le concours de toute la communauté éducative.

Sur un sujet lié, l’accueil des enfants, nous nous réjouissons que suite à notre suggestion, les enfants dont les parents travaillent dans l’alimentaire aient désormais la possibilité d’être accueillis dans les crèches, écoles et collèges de la Ville : c’est une mesure essentielle que nous souhaiterions voir étendue aux professionnel.le.s du secteur médico-social, des pharmacies, et des sociétés d’entretien ménager.

Pour terminer sur le sujet enfance, les associations nous font remonter de fortes préoccupations concernant les ménages les plus précaires dont les enfants déjeunent à la cantine scolaire aux tarifs les plus bas et qui sont gravement impactés par la fermeture des marchés alimentaires offrant d’ordinaire des produits frais au plus bas coût dans notre ville. La part du budget alloué aux courses alimentaires pour ces ménages a connu une forte augmentation. Afin de s’assurer que chaque Parisien.ne puisse manger à sa faim, y compris les plus jeunes, il était urgent que des bons alimentaires pour les produits frais et de première nécessité soient mis en place sans délai, en particuliers pour les quatre premières tranches de quotient familial. Ces bons alimentaires versés directement sur le compte des familles vont favoriser leur accès à l’alimentation, c’est le sens de la proposition que nous portons depuis 2008 de la création d’un chèque fruits et légumes pour les familles sous conditions de ressources, reprise dans le plan climat mais jamais appliquée ni financée jusqu’ici. Aussi, si nous soutenons cette mesure et nous réjouissons de votre annonce à cet égard, il nous semble également important de réfléchir dès à présent à garantir la pérennité de ce système pour l’accès à une alimentation saine et abordable. Aussi, nous demanderons, au-delà de la période de confinement, que ces dispositifs financiers d’aide alimentaire soient intégrés dans le budget parisien afin de poursuivre leur attribution. 

Sur ce sujet majeur de l’alimentation, nous avons interpellé, dès le 24 mars, le gouvernement afin de l’alerter sur le risque d’inflation des produits alimentaires dans les supermarchés et la grande distribution et lui demander d’opérer un contrôle des prix de vente des grandes enseignes, afin de les contraindre à maintenir des prix justes et abordables et sanctionner toute augmentation injustifiée des produits de première nécessité, notamment des fruits et légumes frais. Nous vous avons informée de cette saisine dans un courrier du même jour, et vous demandons à nouveau de vous rapprocher du  gouvernement afin de relayer cette demande.

Enfin, alors que plus de 200 000 étudiant.e.s vivent à Paris, les associations signalent des situations dramatiques d’étudiant.e.s précaires confiné.e.s et isolé.e.s. Pour certain.e.s, dans ce contexte, la perte de leur emploi étudiant est souvent le point de bascule. Comme pour les étudiant.e.s qui ont quitté leur logement CROUS, nous demandons à ce que celles et ceux qui y sont resté.e.s soient également exonéré.e.s du paiement de leur loyer. Les réseaux de solidarité se sont activés afin de leur venir en aide tant matériellement que psychologiquement, mais il y a un besoin fort de coordination entre les différents acteurs. Il nous paraît en cela urgent que la Ville mette en place un plan de coordination entre tous les acteurs pouvant recenser et venir en aide à ces jeunes. Les difficultés financières rencontrées en amènent même certain.e.s à devoir renoncer à s’alimenter. Pour les aider, nous soutenons la mise en place de dispositifs d’aide alimentaire, comme des bons alimentaires, ou encore des distributions de repas ou de paniers. Enfin, il nous semble essentiel de mieux communiquer et faire connaître les dispositifs de soutien psychologique existants, notamment par les associations étudiantes, et ce en premier lieu dans les résidences étudiantes (du CROUS et privées).

En quatrième point, nous souhaitons évoquer l’impact déjà colossal de la crise actuelle sur l’économie parisienne.

La Ville a décidé du gel des loyers pour les structures associatives, les commerçant.e.s indépendant.e.s et les artisans hébergés dans des locaux appartenant à la ville ou aux bailleur sociaux : le terme de “gel” pouvant prêter à confusion, nous souhaitons pour notre part qu’un moratoire sur les loyers soit adopté jusqu’à la fin du confinement et qu’une commission chargée de décider de l’abandon éventuel de ces loyers soit créée, en lien avec les bailleurs privés. Pour les aider, nous soutenons par ailleurs une initiative de la ville consistant à demander à l’Etat un fonds de dotation et d’aide à ces structures.

Le même problème se pose pour les micro et auto-entreprises, qui travaillent souvent à flux financier tendu et dont les activités sont menacées par la crise. En s’inspirant de l’exemple lyonnais, la Ville de Paris pourrait mettre en place un “parcours créateur”, en donnant aux entreprises la possibilité de faire un bilan personnalisé et en les informant des différents dispositifs d’aide financière existants. Sur le moyen terme et dans l’optique de l’après-crise, le versement de subventions à ces petites structures pourrait être réfléchi collectivement et adopté en Conseil de Paris dans les mois qui arrivent, afin de pérenniser leurs activités. La Ville de Paris a annoncé avoir entamé une réflexion sur les loyers des auto-entrepreneurs et indépendants dont le domicile sert également d’outil de travail. Dans ce cadre, nous suggérons que la municipalité prenne en charge le loyer professionnel à hauteur de 500 euros pour les auto-entrepreneurs et TPE vulnérables (embauchant par exemple moins de 5 salariés, ou dont le chiffre d’affaire n’excède pas 250 000 euros) hébergés dans le parc privé. Nous pourrions par la suite leur accorder des subventions exceptionnelles afin d’assurer leur pérennité, par exemple en créant un fonds de soutien, exceptionnel lui aussi, spécifiquement ciblé vers les TPE, en particulier de l’économie sociale et solidaire. Ce fonds viendrait notamment soutenir les structures ne rentrant pas dans les cases des aides de droit commun de l’Etat et de la région, conçues avant tout pour les entreprises traditionnelles et ayant un niveau d’activité important et de bonnes capacités de désendettement. Par ailleurs, il sera pour la suite et à très court terme impératif de repenser de manière ambitieuse l’accès à la commande publique de la ville pour ces structures car, en plus du confinement, leur reprise d’activité sera sans doute progressive et risque de fait de grever encore plus leurs budgets. Cela pourra dans le même temps permettre à la ville d’améliorer fortement ses pratiques en matière de commande responsable.

En complément, la situation des producteurs et des revendeurs sur les marchés reste un problème à part entière. Dès la première semaine de confinement, l’État a fait le choix de fermer tous les marchés alimentaires couverts, découverts et de spécialités de France. Les écologistes, partout en France, ont déjà manifesté leur incompréhension face à cette décision prise avec trop peu de concertation et sans que des solutions alternatives soient mises en place. De fait, nous observons des difficultés dans certains quartiers pour les habitant.e.s à accéder aux magasins d’alimentation, se traduisant par des files d’attente parfois longues de plusieurs centaines de mètres. A moyen terme, dans une perspective de sortie du confinement, nous renouvelons notre demande de réouverture des marchés alimentaires à la condition qu’ils soient en capacité de respecter les consignes sanitaires, la distanciation sociale et les gestes barrières de manière autonome, grâce par exemple à un balisage clair et affiché de la déambulation. Ces structures sont essentielles pour garantir les liens directs entre les consommateurs et les producteurs franciliens, qui dépendent beaucoup des marchés parisiens pour vendre leurs productions. Par ailleurs, il semblerait judicieux de soutenir les initiatives de vente directe avec des systèmes de paniers en ligne, permettant aux maraîchers d’avoir des débouchés à leur production et aux Parisien.ne.s de pouvoir s’alimenter avec des produits frais et sains. Par exemple, les producteurs biologiques d’IDF qui fournissent habituellement la restauration collective à Paris se retrouvent sans acheteurs. Une piste intéressante serait que la ville, dans le cadre de son partenariat avec ces producteurs, rachète leur production afin de la mettre à disposition des acteurs de la distribution alimentaire solidaire, ce qui permet à la fois de soutenir la filière et d’assurer un approvisionnement de qualité pour la solidarité alimentaire.

Enfin, notre dernier point concerne les finances de la ville. Il nous semble urgent d’avoir rapidement la vision la plus claire possible des impacts de la crise sur le budget de la ville, tant sur les recettes que sur les dépenses. Le report des élections pose la question du budget rectificatif de juillet : comment le préparer en y intégrant les conséquences prévisibles de la crise ? Nous devons avoir le maximum de données et de prospectives afin de réfléchir collectivement au devenir financier de la ville à moyen et long terme : aussi nous semble-t-il important qu’un document synthétique présentant la stratégie de la ville en la matière soit réalisé et mis à disposition des élu.e.s.

En complément de ces données purement financières, comme évoqué précédemment, cette crise est l’occasion de repenser notre relation à la commande publique. La situation actuelle, dans laquelle nous sommes dépendants de productions internationales, souligne bien la fragilité de notre stratégie d’approvisionnement, surtout lorsqu’il s’agit, comme ici, de produits indispensables au bon fonctionnement de nos services de santé. Dans cette réflexion, la ville, en partenariat avec le conseil de surveillance de l’AP-HP, présidé par la Maire de Paris, pourrait commanditer une mission relative au potentiel d’internalisation de la production de matériels prioritaires. L’approvisionnement en tests, masques, gants, médicaments sont autant de pistes à suivre pour analyser comment ne pas être dépendants exclusivement de laboratoires privés.

La Ville de Paris, qui se veut capitale de l’innovation, a soutenu beaucoup de startups travaillant avec des matériels et des chaînes de production innovants. Dans un temps d’urgence sanitaire comme celui que nous vivons, il serait intéressant que leur activité soit orientée vers des actions de sortie de crise. Dorénavant, dans le cadre des aides de la ville aux initiatives privées, nous devrons veiller collectivement à ce que les actions et les produits ou services développés par ces structures s’inscrivent dans l’intérêt général. Une piste à explorer doit être que la propriété intellectuelle de ces initiatives privées relève de l’open science et des creative commons, à travers les fablabs par exemple dont nous souhaitons la multiplication. A titre d’exemple, nous pensons notamment que l’initiative https://covid3d.org/ doit être faite sous licence creative commons. C’est en partageant ces modèles, les matériels et les procédés de production innovants que nous pourrons produire en masse des produits qui nous aideront collectivement à combattre cette pandémie et celles à venir.

Plus que jamais, nous observons la fragilité d’un modèle qui nous fait courir chaque jour des dangers toujours plus grands. Dès à présent, nous suggérons que le Conseil scientifique soit saisi de la gestion du confinement et de la possibilité que certaines activités, comme les marchés alimentaires, les services de la ville comme les services sociaux, puissent à nouveau fonctionner dans le respect de toutes les règles sanitaires en vigueur.

Par la suite, nous proposons de renforcer et d’élargir les missions du Conseil scientifique, afin d’en faire un outil au service de la détermination d’une réelle stratégie territoriale, complémentaire à celle de l’État, pour faire face à l’urgence de la crise actuelle et de celles à venir. Il pourrait par ailleurs être judicieux, dans une logique d’appropriation citoyenne des sujets abordés, que le Conseil scientifique soit enrichi d’associations et de citoyen.ne.s tiré.e.s au sort. Dans cette configuration, le Conseil pourrait être saisi de toutes les questions en lien avec la résilience et l’avenir de notre ville, dans le cadre d’une stratégie multisectorielle de résilience territoriale (englobant notamment les enjeux de relocalisation, de souveraineté alimentaire ou encore d’autosuffisance énergétique…) pour Paris et sa métropole.

En espérant que ces propositions retiendront toute votre attention, nous tenons à exprimer de nouveau toute la solidarité de nos élu.e.s avec la municipalité et l’ensemble de ses agent.e.s. Ensemble et très bientôt, nous sortirons nous l’espérons plus fort.e.s et plus solidaires de cette crise sanitaire et environnementale.

Nous nous tenons à votre disposition pour échanger sur les mesures que vous jugerez appropriées de mettre en oeuvre et vous prions de croire, Madame la Maire, en nos sentiments les meilleurs.

David Belliard
Fatoumata Koné
Pascal Julien

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