Toute la mandature, nous avons eu des débats sur les appels à projets Réinventer, vous connaissez maintenant bien nos arguments.
Parmi eux, je citerai les enjeux patrimoniaux de certains sites, dont l’enjeu était pour nous de les rendre au public, afin que les Parisiennes et les Parisiens puissent profiter de ces lieux qui sont de véritables biens communs.
Sur les sites des réservoirs, le sujets est encore plus complexe, car ils englobent à la fois les enjeux patrimoniaux, et à la fois des enjeux environnementaux, puisqu’on le sait, les bassins, lorsqu’ils sont mis en eau, sont de véritables îlots de fraîcheur et font office de climatiseurs naturels.
Concernant le projet dont il s’agit ici, il trouve place sur ce lieu magnifique, à caractère justement hautement patrimonial et historique, que sont les réservoirs de Passy.
Paris a depuis le 19e siècle un double réseau d’eau, potable et non potable, que l’on doit à Eugène Belgrand. Ces réseaux sont une infrastructure urbaine unique, et donc à ce titre, nous devons tirer profit.
L’eau non potable a pour notre ville une valeur écologique majeure, dont le réseau est encore selon nous sous utilisé.
Or, ce réseau unique en son genre nous sera de plus en plus utile, je dirai même, indispensable, avec l’augmentation des températures liée au dérèglement climatique. Les bassins des réservoirs sont de véritables poumons de fraîcheur dans des quartiers denses et qui étouffent lors des fortes chaleur.
Nous pensons que ces lieux irremplaçables doivent être protégés de la pression foncière folle de Paris qui la transforment de plus en plus en machine à cash. Ils sont le bien commun des Parisiennes et des Parisiens et doivent être à ce titre, ouvert à toutes et tous.
A ce titre, le projet qui a été retenu lors du jury du 19 décembre dernier ne nous satisfait pas totalement.
C’est le modèle même de Réinventer Paris qui est contraire aux objectifs que nous voyons pour ce site. Les projets lauréats étant portés par des entreprises privées avec de gros travaux à prévoir, les usages proposés du site vont forcément être orientés vers une privatisation du site. Ce qui est évident, c’est que le modèle économique est très difficile à trouver sur ce type de site: nous l’avons dit durant toute la mandature et c’est toujours vrai, l’appel à projet Réinventer Paris n’est pas compatible avec l’ouverture gratuite au public de ces espaces.
Pour ces raisons, le bail à construction de 50 ans nous parait hallucinant sur le long terme: cela nous amène en 2070, est ce que l’on peut même imaginer une minute à quoi ressemblera Paris en 2070? A quel point, sans doute, les enjeux de l’eau, de stress hydrique, seront prédominant? A quel point ces bassins seront donc stratégiques?
Ne ferions nous pas mieux de conserver ces bassins précieusement pour les décennies à venir?
Les confier au privé nous semblent réellement problématique, et en cela, nous trouvons cette délibération très légère.
Par ailleurs, nous peinons à voir l’intérêt pour le quartier de ce projet, qui nous semble encore une fois posé là sans réelle raison à part celle d’en tirer profit financier.
Nous pensons que nous passons ici à côté de l’enjeu de ce site exceptionnel, qui n’était pas l’innovation, mais bien de le rendre au public.
Pour ces raisons, d’utilisation du site pour des intérêts commerciaux et d’absence d’une réelle ouverture vers l’extérieur dans une logique de gratuité:nous nous sommes abstenus en jury comme vous le savez, et nous voterons contre cette délibération.
Je vous remercie.
Jerôme Gleizes, conseiller de Paris