11Les gares sont souvent des lieux de tensions, confinées à leur rôle d’espaces de transit, parfois détériorées et peu sécurisantes. La gare du Nord n’échappe pas à cette image dégradée, vouloir la transformer est une ambition utile, mieux valoriser les terrains adjacents aussi, mais encore faut-il penser ces transformations pour en faire des lieux de circulations mais aussi de mixité sociale, de rencontres. Encore faut il aussi que ces transformations ne se fassent pas au détriment des finances de la collectivité et des parisiens. L’Etat veut profiter des JOP et de l’argent d’Auchan pour concurrencer Londres et sa gare de Saint Pancras, mais Paris n’a pas à payer le désengagement de l’Etat dans ses gares ! Les décideurs publics qui ne voient Paris que comme une manne financière, qui ne voient dans leurs détention d’emprises qu’une manière d’obtenir une recette foncière facile, ça suffit !
Paris se meurt de sa rentabilité foncière délirante. Notre ville se transforme en véritable machine à cash au détriment de la valeur cardinale de défense des communs qui devrait animer toute autorité publique.
A-t-on intérêt à transformer la gare du nord en centre commercial pour voyageurs riches ? L’avis négatif de la Commission Départementale d’Aménagement Commercial rendu le 27 juin dernier devrait de nous dissuader de mener ce projet en l’état.
Vu le rapport que cette commission a rendu, nous ne comprenons même pas que cette délibération soit présentée à ce Conseil.
Ce projet augmente la surface de vente de 3 569 m² à 19 000 m², avec 159 boutiques et kiosques au lieu de 40 aujourd’hui, 8 moyennes surfaces au lieu d’1 aujourd’hui.
C’est une augmentation de 457%, un facteur 4 !
Les futures enseignes ne sont pas encore déterminées, mais dans les annexes du dossier on trouve un « book partenaires » répertoriant bon nombre d’enseignes souhaitant occuper une coque commerciale au sein de la gare. On peut citer comme exemple AUBADE, CITADIUM, FAGUO, LUSH, NESPRESSO, SEPHORA, UNIQLO ainsi que des activités de restauration avec AMORINO, IT, BAGELS, PRÊT À MANGER…
Envolés les beaux discours sur le consommer autrement, le soutien de filières locales, de l’économie sociale, solidaire et circulaire.
Au niveau du Plan local d’urbanisme, la gare du nord est située dans un secteur de renforcement du végétal, dans un périmètre de localisation d’équipements, ouvrages, espaces verts publics ou installation d’intérêt général à réaliser ainsi que dans un secteur d’aménagement piétonnier. Nous avons vraiment du mal à comprendre en quoi ce projet respecte le PLU.
Par ailleurs, alors que nous nous avons et que nous allons continuer à parler avec la DU 92 notamment, des îlots de chaleurs, nous ne comprenons pas comment ce projet compte lutter contre les ICU et répondre aux enjeux parisiens, en termes de transition énergétique.
De fait, de nombreuses alertes ont été pointées :
– l’augmentation des déplacements que cette nouvelle organisation et l’ensemble des activités de la gare du Nord générera, avec 176 livraisons par jour ;
– l’augmentation massive des déchets produits : aujourd’hui la gare du Nord produit 2 000 tonnes de déchets journaliers, et la SNCF estime que le projet induira à court terme 2 550 tonnes de déchets ;
– S’agissant de l’accompagnement végétal, les 42 m² en pleine terre actuels sont supprimés, et compensés par des terrasses plantées. Faut il encore rappeler que RIEN ne peut remplacer la pleine terre. Ce qui est cocasse ou triste au choix, c’est que cette parcelle est classée au PLU, comme zone de renforcement du végétal ;
– les nouveaux volumes bâtis, à cause de leur gabarit, auront des incidences non négligeables sur les conditions d’ensoleillement des immeubles situés au 195-193 rue du Faubourg Saint-Denis (des niveaux R+1 à R+4) ;
– les trafics de matériaux n’utilisent pas le réseau ferré : un comble pour la SNCF! il aurait été peut-être judicieux de profiter du réseau ferré pour livrer et évacuer les matériaux. ;
– la démolition totale du hall actuel sous verrière ainsi qu’une grande part du système de distribution et des imposantes dalles du pôle d’échanges est un vrai gaspillage, ce sont des ouvrages récents qui datent de 2001 et qui fonctionnent bien ;
Le rapport de la CDAC (Commission départementale d’aménagement commercial) précise “l’absence de mention d’abris à vélos dédiés pour les nouveaux très nombreux salariés des commerces, ni pour ceux des services de la gare ou des agents de la SNCF alors que le dossier précise que 70 places de parking automobiles leur sont réservées. Il aurait été souhaitable de prévoir ce volet qui va dans le sens de l’incitation au transfert modal en termes de mobilités domicile/travail attendue par les documents de planification”.
Et quid de la nécessaire dédensification de Paris, quand le projet fait passer de 36 000 m² à 110 000 m² de surface plancher, et implique une extension de 9 429 m² de l’emprise au sol du bâtiment sur la parcelle associé à l’activité ferroviaire, faisant passer la surface de l’emprise bâti de 55 438 m² à 64 867 m², ce qui est une densification considérable.
Clairement, ce projet sert les intérêts économiques de la SNCF et son schéma de développement commercial, qui préconise la création ou l’extension de surfaces commerciales des gares, notamment en alimentant une confusion entre les consommateurs et les voyageurs.
Force est de constater que les gares s’inscrivent dans un processus de marchandisation, contre lequel nous nous portons en faux.
Ce projet est révélateur d’une manière de fabriquer la ville sans le quartier et en fonction des opportunités foncières. Que la SNCF veuille se servir d’une infrastructure qu’elle n’a pas construite pour renflouer ses caisses c’est une chose, nous sommes en rien obligés de souscrire à cette velléité.
Et le pire, c’est que ce projet n’est pas un projet isolé, mais se répète dans les autres gares parisiennes. On l’a vu juste avant avec Austerlitz, qui prévoit 20 000 m² de surface commerciales supplémentaires, et on le verra avec Montparnasse, qui prévoit une extension des surfaces commerciales de 19 000 m² pour accueillir une centaine de boutiques.
Ce projet est dispendieux en tout point de vue, et en cela, est totalement anachronique car il s’inscrit dans une société de consommation du passé, où les citoyens sont vus comme des consommateurs et les ressources comme une source intarissable.
Nous nous opposons à ce projet, et voterons donc contre sa création.
DU 80 – Projet Paris Nord 2024 de modernisation et extension de la Gare du Nord (10e) – Avis du Conseil de Paris sur le dossier comprenant l’étude d’impact environnemental et la demande de permis de construire dans le cadre de la consultation préalable des collectivités (art.L122-1,V du Code de l’Environnement). – Adopté