rattaché à la 2019 DJS 86 – Communication de la Maire de Paris sur le sport de proximité à Paris : « Paris + Sportive »
déposé par David Belliard, Joëlle Morel, Fatoumata Koné, Jacques Boutault
et des élu.e.s du Groupe écologiste de Paris (GEP)
Considérant que les terrains de sport en pelouse synthétique reposent sur des granulés de caoutchouc recyclés issus de pneus usagés ;
Considérant les alertes données par le monde associatif (ex. Robin des Bois) et par les professionnels du sport (ex. Amy Griffin) ;
Considérant que selon une enquête du magazine So Foot s’appuyant sur une étude d’un laboratoire de recherche de l’Université de Yale, ces granulés seraient porteurs de 190 substances classées comme toxiques ou cancérigènes ;
Considérant que les risques sanitaires liés à la pose de pelouses synthétiques concernent les usager.e.s de ces espaces mais aussi les personnes qui les fabriquent et qui les posent ;
Considérant que la transmission de ces substances au corps humain par les voies respiratoires et cutanées n’a jamais fait l’objet d’étude scientifique complète avant la mise sur le marché de ces granulés ;
Considérant que la ville de New York a renoncé depuis 10 ans à construire de nouveaux terrains synthétiques dont la pelouse comporterait ce type de granulés et qu’elle a été suivie par de nombreuses collectivités américaines ;
Considérant la définition de la Ville du « meilleur terrain » est « un terrain qui dure, qui ne blesse pas, et est simple d’utilisation et qui s’entretient facilement » ;
Considérant que dans sa candidature aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, la Ville de Paris s’est engagée à construire des équipements irréprochables sur le plan environnemental ;
Considérant que le principe de précaution doit prévaloir en cas de doute sur l’impact sanitaire et environnemental de ces granulés sur la santé ;
Considérant la nécessité d’approfondir la connaissance actuelle sur le risque sanitaire et environnemental des terrains en gazon synthétique ;
Considérant le vœu de l’Exécutif relatif aux terrains de sport en gazon synthétique voté en conseil de Paris en novembre 2017 ;
Considérant que 14 terrains synthétiques ont été rénovés à Paris en 6 ans, que 5 TEP ont été rénovés avec des nouveaux terrains synthétiques et que le souhait de l’Exécutif actuel est de poursuivre l’essor des terrains synthétiques à Paris (p.7 de la communication « Paris + Sportive ») ;
Considérant que suite aux conclusions de l’ANSES, la Ville se dit pourtant déjà attentive à toutes les solutions alternatives aux revêtements actuels ;
Considérant que des innovations techniques vont être expérimentées dans les centres sportifs Boutroux (13ème) et Fillettes (18ème) avec une solution d’encapsulage des granulés et de sable sans caoutchouc ;
Considérant l’entièreté du document Appui scientifique et technique de l’ANSES, Saisine n°2018-SA-0033 rendu public en août 2018 qui ne constitue aucunement une “preuve” que les terrains en pelouse synthétique ne présentent aucun risque sanitaire ou environnemental ;
Considérant le document cité qui stipule qu’il n’y a « aucune réglementation spécifique encadrant la composition chimique des granulats de pneumatiques en vue de leur recyclage, notamment lorsqu’ils sont utilisés comme matériau de remplissage dans les terrains de sport artificiels ou dans les aires de jeux » ;
Considérant que les normes actuelles concernent prioritairement les performances techniques de ces revêtements, que la norme NF EN 1176-1 qui précise les exigences de sécurité et méthodes d’essai générales pour les équipements et sols d’aires de jeux, notamment en ce qui concerne les substances dangereuses s’appuie sur une directive jugée dans la note de ANSES « d’obsolète » (76/769/CEE) ;
Considérant que les terrains en gazons naturels sont reconnus pour rester à une température constante en toute saison, bénéficient à la biodiversité et à l’éco-système grâce à ses propriétés de puits de carbone (Toronto Public Health, 2015) ;
Considérant que lors de leur audition, les fabricants et installateurs de terrains synthétiques sont les seuls mentionnés ayant signalé le « danger de la ‘psychose collective’ » face aux inquiétudes grandissantes des citoyen.ne.s, des sportifs et sportives, des parent.e.s au sujet des terrains synthétiques ;
Considérant que des phtalates sont retrouvés dans les analyses réalisées sur les granulats, alors que les producteurs de pneumatiques indiquent ne pas en utiliser dans leurs procédés de fabrication ;
Considérant que l’installation des revêtements et terrains synthétiques fait appel à différents produits chimiques pouvant présenter des risques pour la santé des professionnels et que les auditions faites par l’ANSES révèlent que les mesures d’hygiène et de sécurités préconisées par les fournisseurs ne sont pas systématiquement appliquées lors de la pose et surtout l’entretien des terrains synthétiques ;
Considérants de plusieurs études (RIVM, Celeiro, Menichini) mettent en avant la présence de nombreuses substances jugées dangereuses comme les phtalates – reconnus perturbateurs endocriniens ; les métaux (ex. zinc) ou encore les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) ;
Considérant l’engagement fort de Paris dans la lutte contre les perturbateurs endocriniens ;
Considérant que de nombreux instituts de recherches et d’institutions spécialisées à l’instar de l’European Chemical Agency, ont reconnu en 2017 que de trop nombreuses incertitudes sont encore non levées sur les risques sanitaires liées aux composants, la pose, le contact et l’entretien des terrains et aires de jeux synthétiques ;
Considérant l’étude de la ECHA qui stipule qu’une substance (le benzothiazole) provoquant des irritations cutanées (notamment des dermatites aiguës) est fortement présente dans les terrains synthétiques, notamment quand ces derniers sont en espaces clos ;
Considérant que la présence de nanomatériaux comme la silice amorphe est le noir de carbone sont considérés par l’OCDE (2014) comme des substances dont on ne connaît toujours pas aujourd’hui les risques pour l’environnement, la santé et la sécurité et que ces derniers sont présents dans les pneus recyclés ;
Considérant que la France prévoit d’évaluer le noir de carbone en 2019 dans le cadre du règlement REACH afin de clarifier ses propriétés de danger ;
Considérant que les montées en température des terrains synthétiques pourraient favoriser les émissions dans l’air des substances chimiques et que les granulats de pneus pourraient alors, à forte température, émettre des substances mutagènes, dont là encore, on ne connaît toujours pas la nocivité ;
Considérant les risques encore inconnus des granulats sur l’environnement, notamment ceux liés au relargage par lixvation au contact de l’eau, la présence accrue de zinc, phtalates (perturbateurs endocriniens, dont la présence est mentionnée dans l’étude de « très préoccupante ») ;
Considérant que le phénomène d’îlots de chaleur provoqué par les terrains synthétiques est réel ;
Considérant que beaucoup de terrains synthétiques sont déjà ou sont amenés à se développer sur la « ceinture verte » ; c’est-à-dire en périphérie de la ville et proches les uns des autres ;
Considérant que les granulats de pneumatiques recyclés peuvent également générés des micro-plastiques dont l’ingestion ou l’inhalation peuvent être dangereuses ;
Considérant les conclusions préliminaires du volet environnemental du rapport de l’ANSES (3.7.4 , p.17) qui fait état d’un réel manque d’étude sur l’impact environnemental des terrains synthétiques ainsi que les conclusions de l’ECHA qui considère que « la réglementation européenne en vigueur actuelle ne suffisait pas à garantir un faible niveau de préoccupation sur la santé humaine » ;
Considérant que les îlots de chaleur et l’échauffement thermique des revêtements synthétiques liés aux composantes physico-chimiques des granulats de pneus, pourraient présenter un risque environnemental concernant le développement de la végétation et le fonctionnement des éco-systèmes et que les îlots de chaleur urbaine peuvent avoir un impact sur la santé humaine ;
Considérant les préconisations de l’ANSES qui sont, notamment, de mener davantage d’études en ce qui concerne les risques pour la santé humaine et pour l’environnement des composantes des terrains synthétiques et que chaque évaluation est à réaliser localement ;
Considérant de facto qu’il est encore tout à fait légitime de considérer que les pelouses synthétiques peuvent être sources de risques et de dangers réels pour la santé humaine et pour l’environnement ;
Considérant qu’il existe des matériaux alternatifs pour remplacer les granulats en pneus recyclés comme les gazons synthétique garni de copeaux de coco mélangés avec des granules de fibres minérales et végétales ou des procédés d’encapsulation des billes en caoutchouc, qui méritent eux-aussi d’être testés.
Aussi, sur proposition de David Belliard, Joëlle Morel, Fatoumata Koné, Jacques Boutault et des élu.e.s du Groupe écologiste de Paris (GEP), le Conseil de Paris émet le vœu que :
- un bilan détaillé des analyses demandées au service parisien de santé environnementale sur les granulats composant les gazons synthétiques de la Ville soit présenté aux élu.e.s des 7ème et 4ème commissions ;
- un retour soit fait aux élu.e.s Parisien.ne.s sur la saisine de l’État par la Ville de Paris pour que les autorités compétentes effectuent une étude sur le risque sanitaire prenant en compte les différente technologies existantes et évalue la pertinence des procédés alternatifs aussi bien d’un point de vue sanitaire, de la pratique sportive et de l’impact environnemental ;
- toute construction d’un nouveau terrain continue d’être suspendue jusqu’à l’obtention des résultats d’analyses complètes.
Rejeté au profit du vœu de l’exécutif adopté sans les voix des élues écologistes.