Intervention d’Yves Contassot relative à l’extension de Roland-Garros
Madame la Maire, mes chers collègues,
Enfin !
Enfin la fédération française de tennis tombe le masque !
Depuis plusieurs années les responsables de la FFT abreuvent les médias et leurs interlocuteurs de discours lénifiants sur leur bonne volonté, la transparence, la sincérité, la fiabilité de leur dossier, etc.
Depuis plusieurs années, ils méprisent avec une arrogance incroyable celles et tous ceux qui ne sont pas en total accord avec eux.
Oui mais voilà que le voile se lève progressivement, étape après étape, sur la réalité.
Et cette réalité est assez sensiblement différente du discours de la FFT.
Après avoir renié les engagements pris en 1991 de ne plus jamais s’étendre sur place, la FFT prétend qu’elle a aujourd’hui toutes les autorisations pour poursuivre son œuvre destructrice du jardin des serres d’Auteuil.
Elle n’hésite ainsi pas à déclarer que la Commission supérieure des sites lui a délivré un blanc-seing pour son projet.
Or dans le courrier adressé par la ministre de l’écologie au Préfet de région le 20 mars 2012, il est précisé que le plan guide a reçu un avis favorable sous certaines réserves et notamment
- de sortir de la concession les deux bâtiments en meulière et
- de réduire l’emprise de la concession temporaire dans la partie nord du jardin japonais.
De plus la FFT n’aura plus le droit d’utiliser le petit Jean Bouin.
Le courrier du ministre précise « Ces réserves devront impérativement être prises en considération dans la poursuite de l’étude du projet ».
Réserves reprises dans le vœu que nous avons voté à l’unanimité en mars 2015.
Or que nous dit l’étude EGIS ?
Que la FFT méprise l’avis du gouvernement et n’entend pas modifier en quoi que ce soit son projet d’origine.
Pour comparer les deux projets, il aurait fallu que la FFT intègre ces réserves et dise clairement comment elle entend compenser l’absence d’utilisation des bâtiments en meulière.
Le projet associatif, honnête pour sa part, explique qu’il faut donc accroître la densité bâtie sur le périmètre actuel, ce dont se sert la FFT ensuite pour dénigrer cette vision justifiant ainsi que cela diminuerait la fonctionnalité du site.
Comment ne pas souligner la duplicité d’une telle manœuvre ? Comment croire que la FFT aurait oublié cette contrainte ?
Cette omission volontaire a bien d’autres conséquences.
Ainsi au plan des surfaces disponibles par spectateurs cela majore de façon non négligeable le ratio du projet FFT et minore d’autant celui du projet associatif.
Au plan financier cela fait apparaitre un différentiel significatif, en faveur du projet de la FFT et au détriment du projet associatif. Au vu des sommes avancées par EGIS et sur lesquelles je reviendrai, cela représente déjà un écart de presque 10M€ sur les soi-disant 47M€ de différence entre les deux projets.
J’ajoute qu’en matière de coûts, là-encore la vérité apparaît progressivement. Ainsi pour un budget annoncé de 273M€ lors du lancement du projet, M. Ysern reconnait maintenant qu’il avoisine les 400M€ soit une dérive de presque 50%.
On voit bien qu’à cette aune la différence entre les deux projets n’est pas du tout celle qui a été avancée.
Les aléas de près de 11M€, le soi-disant besoin de reprendre les études pour le court Philippe Chatrier à hauteur de plus de 4M€ alors qu’il n’est pas impacté par le projet alternatif, l’estimation à plus de 5M€ des études pour le triangle historique, tout cela ne sert à l’évidence qu’à tenter de démontrer que la solution alternative coûte plus cher ce qui n’est même pas certain.
Une contre-expertise réalisée par le même spécialiste qui avait donné le bon chiffrage pour la couverture de l’autoroute arrive à un différentiel d’au maximum 10M€.
Quant à l’analyse des conséquences en matière de délai, c’est du délire ! Une étude d’archéologie préventive pour couvrir l’autoroute, un défrichement qui n’est prévu nulle part, une saisine de la CNDP que la FFT récuse par avance, la police de l’eau car l’autoroute est peut-être une zone humide à protéger, une étude ICPE alors que rien n’étaye cette stupidité, etc. Je dois dire qu’il a fallu une imagination importante à EGIS pour dénicher tout ce qui pouvait justifier un retard de 5 ans.
Mais il y a bien pire.
Lors de l’entretien que j’ai eu avec EGIS, il m’a été dit de façon précise, je cite « les deux projets ont le même programme, les mêmes fonctionnalités, les mêmes caractéristiques ». « Reste à étudier les coûts et les délais, mais les chiffres avancés par les associations sont réalistes ».
Et une semaine plus tard quelles sont les conclusions ?
Malgré des phrases qui confirment les termes utilisés, on voit poindre la patte de la FFT qui déclare que cela ne « répond pas à des objectifs fonctionnels majeurs de la FFT ». Mais quid de ces objectifs majeurs ? Mystère ! Vous n’en saurez rien car cela n’est pas expliqué. Il faut croire la FFT.
Pourtant l’origine de cette conclusion n’est pas à chercher dans le rapport mais dans un autre document. Il s’agit de la liste des experts qu’EGIS mobilisera pour mener l’étude . Qu’est-il écrit : je cite et je tiens à disposition le document.
« Analyse fonctionnelle : le consultant spécialisé proposé par la FFT »
Oui, mes chers collègues, vous avez bien entendu : les conclusions relatives aux fonctionnalités ne sont pas le fruit d’une expertise d’EGIS mais celle d’un expert inconnu mandaté par la FFT !
Je pense que personne dans cet hémicycle ne pouvait imaginer une telle chose, que personne n’était informé.
Et la FFT croyait sans doute berner tout le monde à commencer par notre assemblée. Quel mépris de sa part ! Quelle arrogance !
Comment faire pire que ça ? Comment oser prétendre que ces conclusions sont le fruit d’une étude indépendante ?
Madame la Maire, vous avez aujourd’hui la lourde responsabilité de demander que la transparence, le respect de la parole donnée, la mise en œuvre de la démocratie participative ne soit pas que des mots.
C’est le sens des deux vœux que nous avons déposés.
Nous sommes convaincus que vous faîtes vôtres les propos du Président de la République déclarant son exigence « d’accomplir des progrès supplémentaires dans la participation des citoyens à l’élaboration de la décision publique » et que « pour débloquer une situation, le recours à un référendum local vaut toujours mieux que le fait accompli ou que l’enlisement ».
Accepter ces vœux c’est reconnaître le sens de l’engagement, le sens de la parole donnée, c’est prendre au sérieux les risques d’un enlisement judiciaire inéluctable et éviter tout danger d’affrontements tels qu’ils se sont produits à chaque fois que l’entêtement l’a emporté sur le bon sens.
Nous faisons appel à votre capacité de sortir par le haut de ce dossier mal engagé.
Je vous remercie.