Centre des archives LGBTQI : Lettre à A. Hidalgo
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Madame Anne Souyris,
Co-présidente du Groupe écologiste de Paris

 Monsieur David Belliard,
Co-président du Groupe écologiste de Paris 

 

 

 

 

Madame Anne Hidalgo,
Maire de Paris,

 

Comme vous le savez, via le dépôt au Conseil de Paris de plusieurs vœux, notre groupe a depuis 2014 porté une attention toute particulière au projet de création d’un centre d’archives LGBTQI. Ce projet est en débat depuis déjà de très nombreuses années, et plusieurs tentatives pour créer, dans Paris ou sa petite couronne, un lieu de stockage et de valorisation des archives liées à la communauté LGBTQI ont malheureusement déjà échoué. De nombreuses grandes métropoles à l’international se sont pourtant déjà dotées de ce type de structure et, sur ce sujet, notre ville est particulièrement en retard. Pourtant, le temps presse. Des associations mais aussi des particuliers ont entreposé des milliers de documents de tout ordre dans des placards et autres caves, rendant particulièrement incertaine la conservation de ces témoignages.

 

Nous savons que vous êtes sensible à ce dossier. Nous avons besoin de ce centre, qui pourra occuper au moins trois fonctions :

D’abord, bien entendu, de conserver des documents qui constituent les mémoires d’une communauté plurielle et diverse, victime d’une puissante répression de l’Etat jusqu’à encore un passé très récent, et dont les combats politiques, mais aussi la richesse des créations artistiques et culturelles, ont et continuent de marquer profondément la société française en général, et parisienne en particulier.

Ensuite, ce centre aura pour intérêt de valoriser ces mémoires pour les faire entrer dans le récit historique. Disposer d’un tel centre, usant pleinement de technologies numériques, c’est donner un point d’ancrage à de nombreuses recherches, c’est faciliter les mises en réseaux de documentations disséminées en France et  l’international, c’est offrir à celles et ceux qui veulent écrire l’histoire des LGBTQI mais, plus généralement, l’histoire de France, un outil puissant et essentiel. Plus généralement, nous disposerions là d’un instrument unique pour rendre accessible au plus grand nombre l’accès à ce récit ô combien important. Le succès de 120 battements par minute, sur la mobilisation militante d’Act Up-Paris dans les années 90, en plein dans les années sida, nous a rappelé à quel point notre histoire contemporaine était intimement liée à celles des LGBTQI.

Enfin, l’avènement d’un tel centre aurait pour intérêt de réaffirmer institutionnellement l’importance des cultures LGBTQI et, pour notre ville, de s’inscrire dans une démarche qui participera indubitablement à son rayonnement à l’international, en conformité avec ses valeurs d’accueil et d’inclusion que, vous comme nous, nous défendons.

 

Malheureusement, nous avons aujourd’hui de très fortes craintes sur l’état d’avancement du projet. Le lieu mis à disposition pour entreposer les documents est largement sous-utilisé, sans doute car il ne correspond ni aux besoins ni aux attentes. En outre, le processus de concertation avec les acteurs associatifs semble se révéler insuffisant et l’organisation d’un colloque, aussi important soit-il, ne saurait constituer un horizon suffisant sur ce sujet pour notre mandature. Enfin, vous vous êtes vous-même exprimée sur les réseaux sociaux suite aux déclarations de Didier Lestrade, semblant reporter l’entière responsabilité de la réalisation de ce centre des archives, et de son financement, sur l’Etat. Vous en conviendrez, ce type de projet ne peut être passé de main en main comme – vous nous pardonnerez l’expression – une « patate chaude ».

 

Pour ce centre des archives, nous en sommes à la troisième tentative. Notre responsabilité est grande, car ce projet ne pourra pas se relever d’un troisième échec. Le temps fait son œuvre. Nous savons que ce qui n’est pas fait dès maintenant entraînera la perte irrémédiable de pans entiers de notre mémoire collective. Face à cette urgence, dont chacune et chacun est conscient, tous les acteurs associatifs veulent la réussite de ce projet.  Mais pour cela, il faut dès maintenant identifier et réserver un lieu où ce centre pourra être créé. Nous disposons de nombreux bâtiments inutilisés, qui pourraient pour l’un d’entre eux être réservé à cet usage, en particulier dans le cadre de Réinventer Paris 2, qui présente des bâtiments qui pourraient tout à fait héberger ce type de structure. En outre, nous devons donner les moyens aux acteurs associatifs ainsi qu’aux collectifs citoyens pour faire vivre ce lieu et commencer le travail de recensement, de collecte et d’identification documentaire, en lien avec d’autres structures comme les archives nationales qui possèdent déjà des fonds liés aux mémoires des LGBTQI. Enfin, nous ne pourrons avancer si Paris ne s’engage pas fermement à la création d’un tel centre, engagement au combien nécessaire si nous voulons inscrire dans la démarche non seulement l’Etat, mais aussi toutes les collectivités qui ont été traversées par les combats et la culture LGBTQI. C’est grâce à cette volonté, avec toutes celles et tous ceux qui, en France, le souhaitent, que nous pourrons construire le réceptacle de ces mille mémoires qui constituent une des facettes de notre histoire collective et qui ont tant fait pour changer notre société.

 

Nous restons bien entendu à votre disposition pour échanger avec vous et avec Hélène Bidard, votre adjointe en charge de l’égalité, et voir dans quelles mesures nous pourrions réaliser ce projet que beaucoup attendent.

 

Amicalement,

 

Télécharger la lettre à Anne Hidalgo

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