Débat sur les orientations budgétaires – intervention de Jérôme Gleizes
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La politique c’est la constance, surtout en matière budgétaire. 

La constance des gouvernements Sarkozy/Hollande/Macron a été de s’attaquer aux collectivités territoriales et à l’article 72-2 de la Constitution sur leur autonomie financière. 

Avec chaque fois la même justification mensongère : les collectivités sont dépensières et gèrent mal l’argent public alors qu’elles sont obligées de dégager une épargne brute comme Paris le fait avec plus 600 millions par an !

Une petite musique lancinante qui leur a permis depuis 2010, de faire absorber à Paris un choc budgétaire historique : une baisse des dotations de l’État et une hausse des péréquations qui ont entraîné la perte de près de 1,3 milliards d’euros de ressources ce qui revient à une diminution pérenne de plus de 14 % des recettes de fonctionnement du budget de la Ville. Et aujourd’hui, Paris va être contributeur net de l’État avec des péréquations supérieures à la dotation reçue alors qu’il faut ajouter des charges dite de centralités qui pèsent structurellement sur le budget de la Ville et les dépenses sociales avancées par la Ville, jamais remboursées par l’État, plus d’un milliard d’euros. Et demain, ce sera pire avec le remplacement de la taxe d’habitation par un transfert de la TVA vers les collectivités territoriales.

Une musique lancinante qui a aussi permis d’imposer la contractualisation avec l’État qui a poussé Paris à répondre en adoptant une stratégie court-termiste d’externalisation de ses services publics sans s’associer aux autres collectivités de droite et de gauche mobilisées contre cette mise sous tutelle. Le groupe écologiste regrette évidemment cette stratégie.

Une fois cela dit, nous sommes tous d’accord pour ré-affirmer que nos marges de manoeuvre sont minces. Nous sommes aussi tous d’accord, au moins dans la majorité, pour assumer la stratégie d’avoir malgré tout investi près de 8.5 milliards d’euros sur cette mandature alors même que selon la DGCL, il avait baissé de 4,4% en moyenne pour les communes de plus de 100 000 habitants chaque année depuis 2016. Des investissements financés en partie seulement par la dette. C’est un fait et la conséquence comptable inévitable du choc budgétaire. Nous connaissons en France le plus haut niveau d’endettement public observé depuis la seconde guerre mondiale, donc il s’agit de ne pas minimiser le problème, mais c’est surtout du fait de l’État. Et à Paris, notre capacité de désendettement reste en dessous du seuil fatidique édicté par la doxa budgétaire du moment qui est de 12 ans et la dette par habitant reste en dessous des villes de Marseille, Strasbourg et de nombreuses autres grandes villes gérées par la droite au demeurant. 

Il faudrait quand même un jour sortir des discours démagogiques et économiquement absurdes que toute dette est mauvaise. 

Venons en maintenant à la constance de la position des écologistes depuis 2014

Notre endettement public est bien le résultat du fait que le capital privé et parmi celui-ci le capital financier de la rente a  beaucoup progressé au détriment du capital public et du capital physique ces 50 dernières années comme l’ont montré notamment les travaux universitaires de Thomas Piketty. Nous devons donc repenser le financement de nos investissements pour mettre en œuvre la première des urgences, la transition écologique. Car si on augmente de 2°C la température de la planète d’ici cinquante ans, tous nos débats actuels, tous nos choix pour privilégier telle ou telle politique publique seront vains. Je rappelle que les émissions françaises de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse, en France et dans le Monde. Les métropoles françaises sont responsables de 67 à 70% de nos émissions. Je reprend les conclusions d’Hervé Le Treut, auteur du rapport Acclimaterra réalisé pour la région Nouvelle Aquitaine : « nous ne sommes pas dans une phase d’immobilisme mais de recul »

          Il est donc primordial de trouver des recettes nouvelles pour nous affranchir en partie de la contrainte gouvernementale et investir massivement pour financer la transition écologique de Paris. 

En parlant de nouvelles recettes, je pense au bénéfice par exemple ce que pourrait apporter un véritable Office Foncier Solidaire pourvu de moyens. Il permettrait une maîtrise de la rente foncière aussi bien qu’une maîtrise des dépenses et un arrêt des cessions immobilières comme l’ancienne préfecture de région, boulevard Morland qui alimente la spéculation immobilière. Il serait à terme une source de recettes qui jugulerait la spéculation immobilière au lieu de l’alimenter comme c’est le cas pour les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO. Je pense aussi à une meilleure maîtrise de notre espace public pour acquérir des redevances nouvelles tout en favorisant des nouveaux usages.

En parlant d’investissements massifs, je pense en premier lieu au fait de récupérer la main sur les grandes concessions de distribution d’énergie (froid, chaleur, gaz, électricité). Beaucoup de ces grandes concessions arrivent à échéance prochainement. Si nous ne sommes pas à ces rendez-vous, si par faiblesse nous n’osons pas réitérer l’innovation qu’a été la reprise d’Eau de Paris, si nous ne nous donnons pas les moyens d’orienter les modèles économiques de ces réseaux dans le sens de l’organisation de la résilience de Paris face aux changements climatiques, nos discours deviendront non pas des objectifs ambitieux mais des mensonges vides de sens. Nous devons inventer un nouveau modèle de ville, plus résilient, et cela passe par un contrôle de la gestion des biens communs que sont l’eau, l’énergie, les réseaux…

          Nous écologistes sommes prêts à relever le premier de nos défis, celui qui conditionnera tout le reste : imaginer des nouveaux modes de financements et de production pour opérer notre transition écologique.

Jérôme Gleizes

 

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