Conférence citoyenne sur le logement des classes moyennes
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Intervention de David Belliard relative à la conférence citoyenne sur le logement des classes moyennes

 

Madame la Maire, mes chers collègues, au nom de mon groupe je tenais à remercier chaleureusement les rapporteurs et les participants de la Conférence citoyenne pour leur travail, leur analyse et leurs recommandations que nous partageons en grande partie.

Permettez-moi de développer ici l’analyse de mon groupe sur la situation, qui recouvrera d’ailleurs en grande partie celle que vous faites dans le rapport et celle qui a été exprimée par certains de mes collègues ici.

Paris est devenue la ville des 5 %. Aujourd’hui, la moyenne des prix à l’achat s’y approche de 10.000 euros le mètre carré, des niveaux qui flirtent avec ceux de Londres, pourtant l’une des villes où l’immobilier est le plus cher d’Europe. Une personne qui souhaite acheter un appartement de 30 mètres carrés dans la capitale, si elle ne bénéficie d’aucun apport ni d’aucun héritage, devra faire partie de ces fameux 5 % des Français dont la rémunération est supérieure à 5.000 euros par mois, ou alors disposer de l’aide de sa famille et de ses proches pour bénéficier d’un apport significatif.

Paris est en effet devenue une ville d’héritiers ou de locataires, mais là aussi les prix très élevés interdisent à nombre de personnes l’accès à la capitale. Un studio de 20 mètres carrés se loue à 600 euros par mois, tandis que le loyer des appartements familiaux pour les couples avec 2 enfants dépassent bien souvent les 2.000 euros.

Cette augmentation des prix n’a jamais vraiment cessé depuis 25 ans. Depuis 1998, ceux de l’ancien pour l’achat ont été multipliés par 3. Dans le même temps, les prix à la consommation n’ont crû, eux, que de 30 % sur la même période.

Ce décrochage illustre un marché spéculatif particulièrement discriminant pour 95 % de la population française, ce qui se traduit inévitablement par une accélération de l’exfiltration sociale de celles et ceux qui ne peuvent plus se payer le ticket pour vivre dans la capitale. Ouvriers, employés, infirmiers, professeurs des écoles, secrétaires, comptables, cadres, aujourd’hui quand ils ne bénéficient pas de logements sociaux, j’y reviendrai, ils ou elles doivent quitter Paris quand ils ou elles ont pu y habiter et doivent pour la plupart s’éloigner de leur lieu de travail pour trouver des surfaces convenables.

Là où chaque Parisienne et Parisien disposait environ de 50 mètres carrés dans les années 1990 en moyenne,  aujourd’hui cette surface s’est réduite à 31 mètres carrés. A cela s’ajoutent des questions relatives à la qualité de vie dans la ville, même si elle s’améliore, entre la pollution et les pathologies qui y sont associées, l’absence, la rareté des espaces verts et la surdensité de la population, la cherté de la vie quotidienne, une partie de la population est contrainte de quitter la capitale.

Nous voyons se dessiner dangereusement une ville de l’entre-soi dont les récents résultats particulièrement atypiques comparés à ceux du national en sont des illustrations, avec au moins deux corollaires.

D’abord, des inégalités de plus en plus criantes. D’une part, entre Paris et le reste de la métropole, avec une capitale qui continue d’engranger et de capter une grande part des ressources au détriment d’un développement territorial plus harmonieux. D’autre part, des inégalités à Paris elle-même, qui voit sa population tendre entre deux extrêmes. Comme dans toutes les métropoles, c’est en effet à Paris que l’on recense déjà les plus fortes inégalités avec 1 foyer sur 8 qui vit au-dessous du seuil de pauvreté.

Ensuite, deuxième corollaire, le risque d’une ville dont la majorité de la population relativement épargnée par les aléas économiques et environnementaux se sentirait désolidarisée du reste de la société. Beaucoup de travaux d’experts et d’intellectuels  soulignent ce qu’ils appellent « le risque sécessionniste des riches » et depuis 2014 nous l’avons constaté à plusieurs reprises, par exemple avec le refus violent de certains habitants du 16e arrondissement de voir se construire un centre d’hébergement, qui pourtant ne pose aucun problème, ou encore avec le refus répété de construction de logements sociaux par les élus issus des arrondissements les plus riches de la capitale.

D’ailleurs, on peut se féliciter sur ce dernier point de l’effort sans précédent que nous menons en termes de production de logements sociaux. Avec une construction de 7.500 logements par an depuis le début de la mandature, nous permettons à une population qui ne pourrait pas se loger dans le parc locatif privé d’habiter et de vivre dans la capitale, mais cet effort est structurellement insuffisant et il ne pourra pas compenser complètement, malgré tout l’argent que l’on peut y mettre, les déséquilibres du marché privé.

Sans surprise, nous partageons en grande partie les conclusions de la conférence que vous nous présentez aujourd’hui. Ce constat vous a amenés à formuler des propositions très interventionnistes et régulatrices de ce marché de l’immobilier. Cette position se traduit pour nous par un combat, celui contre la spéculation immobilière avec, pour nous, une première mesure importante qui est celle du rétablissement de l’encadrement des loyers. C’est d’ailleurs l’objet du vœu qui sera discuté plus tard dans ce Conseil qui demande aux députés, et notamment aux conseillers de Paris qui sont députés, qui nous représentent à l’Assemblée Nationale et qui vont débattre du projet de loi Elan, de se positionner pour une mise en place automatique et systématique, dans les zones dites « tendues » comme Paris, d’un encadrement strict des loyers. Deux avantages à cette mesure : d’abord, elle facilite l’accès au logement au plus grand nombre, d’une part, et d’autre part, elle réduit la rentabilité locative.

De la même manière, nous voulons une réduction très forte du nombre de nuitées permises dans le cadre de location saisonnière de type Airbnb – vous proposez 5 semaines, nous proposons 20 jours ; on peut sans doute trouver un point d’accord sur ce sujet. Nous demandons au Gouvernement que la Maire puisse avoir la compétence de fixer elle-même le nombre de nuitées autorisées à Paris. Les abus liés à ces locations alimentent en effet la spéculation immobilière, en plus de retirer du marché locatif des appartements.

Enfin, nous demandons la possibilité d’une taxation supplémentaire pour les logements secondaires avec un objectif : plus de surfaces inutilisées à Paris.

C’est cette même logique, d’ailleurs, qui nous pousse à vouloir optimiser l’utilisation des surfaces disponibles par la réquisition des bureaux ou des logements vides, ou encore la publicisation et la mise à disposition par la Ville de l’intégralité du domaine intercalaire. C’est cette même logique, encore, qui nous conduit aussi à vouloir dissocier – comme vous le proposez d’ailleurs – le foncier du bâti et à ne pas systématiquement céder le patrimoine de la Ville afin de garder une maîtrise de notre sol et de contribuer à réguler les prix, et donc à lutter contre la spéculation immobilière.

D’une manière générale, toutes ces questions posent celles du modèle de propriétés privées qui, aujourd’hui, favorisent les plus-values records sans aucune valeur ajoutée, ou très peu, quelques travaux peuvent être faits sur les appartements, mais, globalement, cela ne justifie pas la valeur ajoutée des appartements à la revente qui en font l’objet. L’immobilier spéculatif entretient la rente, ce qui devrait d’ailleurs faire bondir mes collègues libéraux dans cet hémicycle, qui devraient nous rejoindre sur l’idée, d’une certaine manière, de troquer la propriété, du moins dans les zones tendues, pour la remplacer par des contrats d’usage, de type baux emphytéotiques. C’était d’ailleurs l’esprit d’une niche, que nous avions déposée, proposant de créer un office foncier solidaire. Cela rejoint votre proposition de dissocier le foncier du bâti.

Enfin, cela a été rappelé, la question du logement ne se réglera pas uniquement à l’intérieur du Paris intra-muros. Vous me permettrez de conclure mon propos sur la nécessité absolue de construire une Métropole dont le développement ne doit pas laisser perdurer des inégalités aussi criantes qu’actuellement entre les territoires qui la composent. Si sortir de la dynamique spéculative, c’est penser Paris au-delà de son périphérique, c’est donc penser Paris comme un acteur du développement plus harmonieux de l’ensemble du territoire métropolitain, accélérer la transformation du périphérique, investir dans les territoires métropolitains qui en ont besoin, choisir de mieux répartir les zones d’activités économiques. Au lieu de toujours vouloir concentrer tout dans la capitale au nom de la sacrosainte attractivité économique, il faut plutôt participer à donner les mêmes aménités à l’ensemble des territoires de la Métropole – activités, transports, service public… – que ce que nous trouvons à Paris pour les rendre, d’une certaine manière, aussi attractifs que le territoire parisien.

En un mot, c’est passer d’un modèle de développement territorial fondé sur la coopération plutôt que sur la compétition.

Je vous remercie.

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