Vivre mieux et plus longtemps dans son logement. Le viager public et solidaire
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Délibération du groupe écologiste

 

Contexte

De septembre 2015 à mars 2016, la Ville de Paris a réuni un Silver Think Tank composé de chercheur.se.s, d’expert.e.s et de responsables associatifs afin d’engager une réflexion sur l’ensemble des enjeux liés au vieillissement de la population. Plusieurs éléments en sont ressortis : l’immense majorité des personnes âgées vivent encore dans le logement où elles ont vécu une partie de leur vie, sans y avoir nécessairement apporté des aménagements spécifiques. Malgré le manque de confort, voire la vétusté de certains de ces logements, la plupart des personnes désirent rester chez elles le plus longtemps possible.

Dans son schéma parisien en direction des seniors 2017-2021, la Ville de Paris s’est engagée à développer des formules innovantes afin de permettre le maintien à domicile des personnes âgées. Ainsi, la mise en place d’un « viager municipal », permettant d’améliorer la situation financière des seniors propriétaires de leur logement mais disposant de faibles revenus, est évoquée comme une mesure pouvant répondre à la fois à l’engagement pour améliorer l’accès et le maintien dans le logement (engagement 5) et pour renforcer l’accompagnement des personnes les plus fragiles et les plus précaires (engagement 11 et mesure 29).

Enjeux

Prévisions démographiques et conséquences

Paris compte plus de 460 000 personnes âgées de plus de 60 ans, soit un cinquième de la population de notre capitale. En 2040, elles représenteront le quart des habitants. On compte parmi elles près de 300 000 parisien.ne.s de 60 à 74 ans, 110 000 parisien.ne.s âgé.e.s de 75 ans à 84 ans, et plus 56 000 parisien.e.s âgé.e.s de plus de 85 ans, dont 1 000 centenaires. Par ailleurs, l’espérance de vie est plus élevée à Paris qu’en Île-de-France ou en France métropolitaine. Paris compte également une proportion importante de seniors en situation de précarité : 15,5% des 60-74 ans (contre 10% en France) et 9,5 % des plus de 75 ans vivent sous le seuil de pauvreté. Un autre indicateur est signifiant, 12 450 personnes âgées de 55 à 65 ans sont allocataires du RSA.

Dans un de ses rapports publié en 2005, l’INSEE[1] rappelle que l’âge de la retraite est aujourd’hui à distinguer de l’âge de la dégradation de la santé. Par conséquent, le modèle social issu de l’après-guerre lié aux trois étapes de la vie (la jeunesse, étape de l’apprentissage et de la formation, l’âge adulte, celle du travail et la vieillesse celle de la retraite) est fragilisé. Il faut anticiper cette pression démographique, sinon l’opposition des intérêts entre les plus jeunes, contributeurs insuffisants en nombre, et les plus âgés, pourrait être source de conflits difficile à gérer. En effet, la parité qui existe aujourd’hui entre le niveau de vie d’un actif et le niveau de vie d’un retraité disparaîtra, selon cette même étude, à l’horizon 2030-2040.

Eu égards donc à cette révolution démographique et à ses conséquences sur les coûts liés à la prise en charge de la dépendance, par la collectivité et par les seniors et leur famille, il s’agit de construire un accompagnement approprié pour chacun.

Le viager intermédié comme opportunité pour le patrimoine immobilier des personnes âgées

En France, l’immobilier est une valeur refuge, mais qui de plus en plus souvent ne protège pas de la pauvreté à l’âge de la vieillesse. Favoriser ce qu’on appelle la « liquéfaction » d’une partie de son patrimoine immobilier à travers le viager intermédié (c’est-à-dire la vente de son logement non pas à une personne, mais à une institution publique ou privée) peut être une manière efficace de se protéger contre le risque de pauvreté liée à la dépendance ou à des frais de santé importants.

L’intermédiation lève un frein chez les personnes s’étant déclarées intéressées par la solution du viager, car les institutions publiques sont perçues comme des acheteurs de confiance, à l’inverse des particuliers ou des banques. C’est d’ailleurs forte de cette image que la Caisse des Dépôts et Consignations travaille actuellement à un dispositif expérimental de viager public, pour lequel la Ville de Paris pourrait être un garant de confiance.

La répartition du logement social à Paris

Si Paris a une population plus jeune que l’ensemble de la France, la répartition des seniors est quant à elle bien différente en fonction des arrondissements et des quartiers. Ainsi, certains arrondissements comme les 5e, 6e, 7e et 16e ont une part des 60 ans et plus bien plus importante que la moyenne française. Les 60 ans et plus représentent 27% de la population totale dans le 16ème arrondissement à titre d’exemple[2]. On distingue aujourd’hui davantage une ligne de partage Nord-Sud, alors qu’il y a quelques années, celle-ci était davantage Est-Ouest.

Ces chiffres sont à mettre en relation avec la répartition inégale des logements sociaux dans Paris. Le viager municipal permettrait donc de pallier le déficit de logements sociaux dans les zones déficitaires de l’Ouest parisien, où se concentrent encore une grande majorité des seniors.

Dispositif

La vieillesse n’est plus forcément synonyme de maladie ou de handicap, ce qui sollicite une analyse et un accompagnement nouveau de la part de la collectivité.

Le viager intermédié est une solution à promouvoir pour les plus âgés appartenant aux classes moyennes. Plusieurs bénéfices sont mis en avant : maintien à domicile, amélioration du confort de vie dû notamment au complément de revenu, adaptation du logement si nécessaire, etc.

Le dispositif de viager municipal permettrait d’ouvrir la possibilité pour la Ville de Paris d’acheter un logement dans le secteur privé en viager, tout en permettant à la personne retraitée aux revenus modestes qui en est propriétaire de continuer à vivre chez elle ou de financer son séjour dans un établissement.

 

Les avantages de ce dispositif sont multiples :

Renforcer l’autonomie et permettre le maintien à domicile

Ce dispositif permettrait une augmentation des revenus des personnes âgées modestes (seuils à définir), due à l’exonération de la taxe foncière et au versement d’une rente. Elles auraient ainsi la possibilité de rester vivre plus longtemps à leur domicile, ce qui est le souhait majoritaire.

Une expérience de viager solidaire en coopérative, “Les Trois Colonnes” à Ecully (69), témoigne ainsi que les personnes âgées ont pu financer le doublement des heures de présence de leur aide à domicile ou encore faire des travaux notamment d’adaptation dans leur logement.

Un aspect évoqué par les personnes impliquées dans l’expérience de la coopérative “Les Trois Colonnes” est la sérénité vis-à-vis de la charge que pourrait représenter leur future dépendance pour leur famille. En effet, les revenus supplémentaires perçus par le viager leur permettent de prendre eux-mêmes en charge les frais liés à leur vieillissement et à leur décès.

Permettre la création de logements sociaux dans le diffus, notamment dans les zones déficitaires

Outre le fait de permettre le maintien à domicile le plus longtemps possible, ainsi qu’un meilleur confort des personnes âgées, le viager municipal permettrait d’accroître les logements sociaux adaptés dans le diffus et participerait ainsi à la politique de lutte contre spéculation immobilière et de régulation visant à pallier le déficit de logements sociaux dans les zones déficitaires de l’Ouest parisien, où se concentrent encore une grande majorité des seniors. A titre d’exemple, avec 3,2% de logements sociaux, le 8e arrondissement demeure l’un des moins pourvus de Paris. En effet, le rééquilibrage Est-Ouest dans la création de logements sociaux constitue un enjeu majeur de la politique menée depuis 2014. Le dispositif de viager municipal pourrait venir utilement renforcer cet objectif, les logements ainsi acquis par la collectivité rentrant dans son giron au décès des personnes.

Création de logements sociaux à moindre coût pour la ville

Ce dispositif viendrait donc compléter les leviers existants pour créer du logement social à Paris tels que définis dans le Plan Local de l’Habitat en début de mandature. En effet, les logements à vendre en viager l’étant généralement à des prix équivalents aux valeurs d’usage et non du marché, cela permettrait à la Ville de créer des futurs logements sociaux dans le diffus à moindre coût.

 

PROJET DE DELIBERE

Le Conseil de Paris

Article 1.

La Ville de Paris met en place d’ici juillet 2019, un dispositif de viager public et solidaire.


La délibération a été amendée et adoptée

 

[1]  INSEE. Fiche thématiques. Les personnes âgées

[2] Source : la santé observée à Paris ; ORS, juin 2011

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