Communication « Paris ville propre »
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Intervention d’Yves Contassot relative à la communication « Paris ville propre »

 

Merci, Madame la Maire.

Vous avez décidé de partir à la conquête de la propreté de Paris, et c’est une excellente nouvelle. En effet, personne n’ignore que cela fait partie des préoccupations des Parisiennes et des Parisiens, et que c’est à l’origine de points de vue particulièrement exacerbés, que ce soit justifié ou non, et donc objet de nombreux polémiques de bonne foi ou instrumentalisées, on vient d’en avoir encore une démonstration, il y a peu.

En étant élue Maire de Paris en 2014, vous avez hérité d’une situation difficile, car il est incontestable, et cela figure dans le rapport de la M.I.E. adopté à l’unanimité, que les moyens affectés à la propreté de Paris ont subi une diminution au cours des années passées. Comme nous l’avons écrit dans notre contribution à la M.I.E., nous avons examiné les comptes administratifs depuis 2001 et constaté qu’en euros constants, la baisse était significative, d’autant plus significative que, précisément, le périmètre du nettoiement a augmenté au cours de la même période. Non seulement les surfaces à nettoyer ont cru, avec l’urbanisation de nouveaux quartiers, mais, qui plus est, la structure même des surfaces à nettoyer a évolué, avec la création de nombreux séparateurs pour les couloirs de bus ou les pistes cyclables, augmentant d’autant le linéaire de caniveaux ou de bordures. Je n’oublie pas non plus l’évolution des usages de l’espace public.

A cela, il convient d’ajouter qu’en parallèle, les moyens en personnel de la DPE ont été en partie consacrés à l’augmentation du nombre de collectes des déchets puisqu’on est passé de 7 collectes hebdomadaires en 2001 à 10, voire 12 collectes par semaine actuellement, selon les arrondissements. Si les effectifs supplémentaires nécessaires ont bien été créés lors de la mise en place des premières collectes, tel n’est plus le cas depuis 2009 et toute nouvelle collecte s’effectue donc au détriment du lavage et du balayage. On aurait pu admettre cette évolution si la mécanisation du nettoiement avait accru la capacité d’intervention. Hélas, ce n’est pas ce qui s’est passé puisque, dans ce domaine également, la diminution du parc d’engins a été constatée.

Et puis, que dire en matière de verbalisation : voir le montant des amendes passer de 183 euros, jusqu’à 450 euros en cas de récidive, à 35 euros, a donc perdu son effet dissuasif, ne pouvant plus avoir d’impact positif sur le comportement des pollueurs. On comprend mieux, au vu de ces évolutions, pourquoi le baromètre de la propreté a été supprimé, pourquoi la notation par les conseils de quartier a été supprimée, pourquoi le plan « Paris Propre Ensemble », adopté lorsque vous étiez Maire par intérim, a été abandonné, pourquoi les contrats de services entre la Mairie centrale et les arrondissements n’ont pas été poursuivis, pourquoi le nombre d’amendes pour incivilités s’est effondré. Quand on casse un processus de reconquête graduelle, les résultats sont là : la propreté s’est dégradée progressivement.

Vous avez donc un héritage lourd que vous avez choisi de ne pas laisser perdurer et c’est très bien. Si j’osais, je dirais que vous avez réussi à inverser la courbe. Recrutement d’éboueurs, achat de matériels, conférences de consensus, décisions de mettre en œuvre toutes les recommandations de la M.I.E. : nous soutenons cette dynamique positive et nous voulons l’accompagner, l’encourager, l’améliorer.

Comme je l’ai dit en introduction, la perception de la propreté renvoie à des considérations personnelles et collectives qui ne peuvent être ignorées. Des études ont été menées à ce sujet et il serait dommage de ne pas les utiliser. Il faut donc d’abord tenter d’objectiver, autant que faire se peut, la prévention de la saleté ou de la propreté de Paris. Les notes de propreté établies par la DPE et les conseils de quartier étaient envoyées aux maires d’arrondissement. Ces notes étaient établies selon un barème précis, transparent, complet, prenant en considération l’ensemble des souillures de l’espace public : les tags, les débordements de corbeille, les encombrants, la propreté des trottoirs, des caniveaux, les déjections canines, les fientes de pigeon, etc. Il faut aller plus loin.

Chaque Parisienne et chaque Parisien doit avoir accès à toutes les informations relatives à la propreté : fréquences de lavage, de balayage de chaque portion de l’espace public et pas seulement en termes d’objectifs, mais de mises en œuvre concrètes. Toute Parisienne et tout Parisien doit savoir quand sa rue a été balayée pour la dernière fois, combien de fois au cours d’une période, etc. Même chose pour les signalements d’encombrants : date et heure du signalement, date et heure de l’enlèvement. Idem pour le nombre de P.V. par site, etc. A l’heure de l’ « open data », il n’est pas possible, il n’est plus possible de ne pas rendre tout cela public. La plupart de ces données sont déjà disponibles en interne. Nous souhaitons un calendrier précis de mise en œuvre opérationnelle de leur publication.

Parallèlement, il faut travailler plus en profondeur sur les motifs pour lesquels les usagers ne respectent pas ce bien partagé – vous l’avez souligné – qu’est l’espace public : études régulières, panels, enquêtes pour ajuster les campagnes de prévention et de communication en fonction des déterminants des comportements inciviques.

Comme vous le dites dans votre communication, la propreté est l’affaire de toutes et tous. C’est pourquoi nous insistons pour que les schémas au plan de propreté ne soient pas élaborés sans y associer toutes les parties prenantes : d’abord, les usagers de l’espace public ; pas seulement les résidents qui paient pour le nettoiement, mais aussi le million de salariés qui vient travailler à Paris, les touristes, les entreprises, les artisans, mais aussi les agents de la D.P.E., comme nous l’avons fait lors du « Paris Propre Ensemble », les élus, évidemment, les autres acteurs de la propreté, les entreprises ayant des marchés de collecte ou de nettoiement ainsi que leurs salariés. C’est cela, partager le diagnostic et les préconisations. C’est cela qui se fait sous forme d’un grenelle. C’est cela que nous proposons.

Faire uniquement des réunions en bilatérale avec une seule catégorie, c’est à coup sûr engendrer au mieux des incompréhensions, au pire des blocages. J’avoue ne pas comprendre certaines réticences face à cette proposition qui s’inscrit si bien dans les principes de la participation citoyenne et donc, de la démocratie participative. Je comprends encore moins pourquoi il serait scandaleux de faire appel à des panels citoyens pour avoir leur point de vue, comme je l’ai entendu dénoncer par certains à l’autre extrémité de cet hémicycle. A l’évidence, nous n’avons pas la même conception de la démocratie.

Une fois ce diagnostic partagé, il s’agira de déterminer les plans de propreté les plus adaptés qui devront devenir de véritables contrats d’objectifs et de moyens, ainsi que cela se fait couramment. On réglera ainsi la fausse bonne idée selon laquelle la propreté serait meilleure si les maires d’arrondissement étaient seuls à décider l’organisation des services, alors qu’ils et elles n’ont pas la maîtrise des moyens humains et financiers.

Si j’osais, je dirais que la meilleure des choses au plan politicien serait de dire « chiche » à tel ou tel maire d’arrondissement en lui disant de se débrouiller avec les moyens actuels alloués à son arrondissement. Je ne donne pas un an avant que la demande de marche arrière toute soit formulée.

Comme nous le disons dans notre vœu, rendre Paris propre et, plus encore, garder Paris propre, nécessite un investissement dans la durée. Les opérations ponctuelles, tel que les O.C.N.A. – Opérations coordonnées de nettoiement approfondi – sont indispensables, mais elles ne trouvent leur pleine efficacité que si elles sont suivies dans le temps. Il en va de même au plan financier. Vous avez décidé, à juste titre, d’augmenter le budget de la D.P.E. Nous souhaitons que, très rapidement, nous ayons une vision sur plusieurs années des efforts à consentir pour la propreté de Paris. C’est le sens d’une partie de notre vœu demandant une programmation pluriannuelle en la matière.

Pour faire évoluer les comportements des individus, les pouvoirs publics disposent traditionnellement de quatre types d’outils : l’information et la sensibilisation, l’incitation financière, la législation – interdiction ou obligation – et l’exemplarité. Comme l’ont relevé les membres de la M.I.E. mais aussi les participations aux conférences citoyennes ainsi que les membres du Conseil parisien de la jeunesse, la sensibilisation, grâce à la communication, est un combat de longue haleine complémentaire de la verbalisation.

Il y a cependant un cinquième levier que la Ville pourrait utiliser : les « nudges », que l’on pourrait traduire en français par « les coups de pouce ». Ce concept, inventé par Richard THALER, spécialiste de l’économie comportementale et prix Nobel d’économie en 2017, part du constat que les changements de comportement ne peuvent exclusivement se faire par la contrainte et la sanction. Ils supposent avant tout des incitations. Les « nudges » présentent deux avantages majeurs. Ils ne restreignent pas les libertés individuelles et ont un coût limité. Leur impact peut en revanche être très significatif.

Le Conseil parisien de la jeunesse a bien compris l’enjeu qu’il y avait pour Paris de se saisir de ce nouvel outil puisqu’il recommande une expérimentation sur le mobilier urbain pour, à la fois, rendre la collecte plus efficace et inciter à de meilleurs usages. C’est également la logique poursuivie par le vœu de notre groupe. Nous demandons de suivre l’exemple d’autres collectivités qui luttent contre la malpropreté en rendant les comportements civiques plus ludiques. Je pense, par exemple, à l’utilisation des cendriers de sondage qui incitent les fumeurs à voter pour leur joueur de tennis préféré en utilisant leurs mégots.

Nous demandons donc que cette approche des « nudges » soit expérimentée, par exemple, à proximité des points noirs concernant les mégots. En la matière, il y a une forme de « nudge » qui attend avec impatience d’être mise en œuvre. Je veux parler de la fiscalité incitative pour la collecte des déchets. Lors de notre débat budgétaire, vous avez accepté le principe d’une expérimentation de ce principe dans deux arrondissements, mais, depuis, nous n’en entendons plus parler. Or, vous avez peut-être lu, comme moi, l’excellent article de la revue « Que choisir » à ce propos. Je vais d’ailleurs vous le remettre ainsi qu’à vos adjoints et aux présidents des groupes pour que nous ayons le même niveau d’information sur cette question.

Les conclusions sont sans appel : la mise en place d’une fiscalité incitative est bénéficiaire à tous égards. On constate à chaque fois une diminution de la production de déchets, une augmentation de la part des recyclables, une diminution des coûts de collecte et donc, une diminution des frais payés par les contribuables. L’article énumère les objections de certains élus face à ce principe. J’ai cru lire, un instant, certaines déclarations entendues au sein de la Ville, tant ce sont les mêmes arguments qui sont avancés à chaque fois.

Face à l’obligation de la mise en place d’une redevance incitative dans quelques années, nous voulons que cela se fasse dans les meilleures conditions à Paris. C’est pourquoi nous demandons que l’expérimentation débute sans attendre. Cela s’inscrirait dans une cohérence d’ensemble, avec l’objectif zéro  déchet et l’ensemble de la politique d’économie circulaire que votre adjointe, Antoinette GUHL, porte avec détermination.

Comme vous le voyez, Madame la Maire, nous sommes à vos côtés pour aller vers ce Paris de la propreté ensemble, qui doit devenir ou redevenir notre objectif commun et ne plus servir de prétexte à telle ou telle composante qui voudra en faire un argument électoraliste comme les polémiques que nous avons entendues sur une pseudo augmentation du nombre de rats alors que toutes les métropoles sont confrontées au même problème, et que nous avons voté un plan en essayant de combiner efficacité dans la régulation de la population des rats et le respect de la condition animale.

Politiser, comme nous l’avons entendu, la question de la propreté n’est à l’évidence pas le meilleur service à rendre à Paris. Paris et les Parisiens méritent bien mieux que cela.

Je vous remercie.

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