Budget primitif de la Préfecture de Police
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Intervention de Pascal Julien relative au Budget primitif de la Préfecture de Police

 

Madame la Maire, Monsieur le Préfet, le budget de 625 millions d’euros qu’on nous demande d’approuver n’a pas grand-chose à avoir, n’a pas pour objectif principal la lutte contre la délinquance, la criminalité et le terrorisme dont il a été pourtant principalement question dans vos interventions préliminaires. Il a pour objet, cela a été dit quand même, essentiellement la police administrative et majoritairement la B.S.P.P.

2.183 emplois Préfecture hors B.S.P.P. sont transférés sur le budget général de la Ville de Paris et non 1.900, comme cela avait été annoncé. Parce qu’il s’agit d’un sujet important, l’explication de cette distorsion qui a été donnée en 3e Commission mériterait d’être rapportée aujourd’hui devant notre Assemblée par M. le Préfet et Mme la Maire.

Parmi ces missions transférées, outre la police des lieux de sépulture et la lutte contre l’habitat indigne, figure la réception des demandes de titres, dont la gestion et la délivrance continueront bien évidemment de relever de l’Etat. Reste qu’un risque de confusion existera dans le public qui pourrait attribuer à la Mairie certains dysfonctionnements de l’Etat. Cette question aussi a été évoquée en 3e Commission mais la réponse n’a pas été totalement convaincante et il serait bien si l’on pouvait y revenir aujourd’hui.

La Mairie prend également la main sur le stationnement payant et gênant, transfert que nous demandions depuis longtemps, car il apparaît cohérent et logique que la Ville gère ses propres équipements, tels les horodateurs, et cela n’a rien à voir avec la création d’une police municipale, je le dis au passage pour rassurer la droite.

La part de l’investissement avoisine 10 % de ce budget spécial. Est-ce suffisant au vu de la vétusté du nombre de locaux accueillant du public et où travaillent aussi les fonctionnaires ? Autre exemple : à lire les fiches relatives aux investissements immobiliers de la B.S.P.P., on peut regretter que l’ambition de bâtir un pôle moderne et polyvalent destiné à la logistique et à l’entraînement à Limeil-Valenton-Villeneuve ait été réduite. Réjouissons-nous cependant de l’action positive de la B.S.P.P. dans la lutte contre le réchauffement climatique et les pollutions : commandes de véhicules électriques, 17 % de repas servis dans les casernes sont bio, les projets immobiliers désormais livrés auront des normes assez exigeantes. Ce n’est qu’un début, mais identifiable.

Peut-on savoir ce qu’il en ait des efforts accomplis dans le cadre de l’autre versant du budget hors B.S.P.P. ? Il est symptomatique que sur les 28 diapositives présentées en troisième commission, pas une ne parlait de ces questions environnementales.

Venons-en justement à la B.S.P.P. Ce qui chaque année devient de plus en plus frappant, c’est l’augmentation incessante des besoins de secours, sous l’effet du vieillissement, de la paupérisation, du raccourcissement du temps d’hospitalisation, de la difficulté pour accéder aux urgences hospitalières ou à la médecine de ville, sous l’effet aussi de la hausse du nombre d’équipements et de bâtiments à protéger. Il n’est pas étonnant que cette année encore, le nombre d’interventions ait crû de 5,4 %.

Autre fait inquiétant, la hausse du nombre d’incendies, souvent corrélée à l’insalubrité ou/et à la surdensification, plus 12 % cette année, soit 14.600 départs au feu.

L’évolution haussière de ces besoins structurels, mon groupe le soulignait déjà en 2014, nous avait amenés à contester la baisse envisagée du budget alloué à la B.S.P.P., et donc à l’époque à conditionner notre vote favorable à l’adoption d’un amendement budgétaire.

Les événements de l’année suivante, 2015, eurent pour conséquence d’obliger la B.S.P.P. à renforcer dans son champ d’intervention, la sécurité des Parisiennes et Parisiens en cas d’attentat terroriste. De même, plus tard, bientôt, les J.O., parce qu’ils créent un nouveau besoin de protection, auront un coût pour la B.S.P.P. et donc, pour la collectivité.

Il serait intéressant que ce coût soit évalué et rendu public. Toute la question aujourd’hui est de savoir si la B.S.P.P. dispose de moyens suffisants pour répondre à cette hausse structurelle des besoins de secours et de protection, besoins qui vont bien au-delà des besoins plus circonstanciés liés aux attentats.

Le budget de la B.S.P.P.  ne baisse plus, tant mieux, mais il stagne, car l’augmentation apparente de 0,82 % couvre en réalité l’inflation ainsi que la dépense salariale résultant de l’évolution du point d’indice et de la revalorisation de la catégorie C.

Saluons le recrutement de 50 sapeurs-pompiers, mais constatons que les effectifs de la brigade comptent 8.025 personnels en 2018, contre 8.235 en 2014, c’était il y a 3 ans.

La brigade peut faire face aujourd’hui, mais demain ?

Nous aimerions être rassurés sur l’état du parc roulant, dont le rythme du renouvellement ne suffira pas à pallier son vieillissement. Les véhicules de secours aux victimes; particulièrement sollicités; ne représentent que 2,5 % du parc national de ce type d’engins, ce n’est pas normal.

Sous l’effet de la contrainte budgétaire qui lui a soudainement été imposée il y a 3 ans, la B.S.P.P. a dû accomplir ce qu’il conviendrait de nommer des progrès de productivité. Malgré la baisse, puis la stagnation du budget, elle parvient en effet à répondre, avec la même qualité de service, à la hausse des besoins.

La manière dont ces progrès de productivité ont été accomplis est connue, notamment l’organisation plus optimale des moyens humains et matériels, la création de la plate-forme de réception unifiée des appels d’urgence, ou encore la mutualisation de certains matériels avec les S.D.I.S. de la grande couronne.

Mais je crains bien que in fine, ce soit le sapeur-pompier qui supporte l’effort par un engagement personnel toujours plus exigeant, avec 944 heures travaillées de plus qu’un pompier professionnel de grande couronne. Un sapeur-pompier, c’est 125 gardes de 24 heures par an, contre 94 pour un pompier professionnel. Avec autant de travail, la limite de l’acceptable est atteinte.

Heureusement me direz-vous, qu’il s’agit de militaires, statutairement privés du droit syndical et de vote. Comme chaque année, je rappelle que le rapport de la Cour des Comptes de 2011 mettait en garde contre la tentation de considérer le personnel militaire comme étant corvéable à merci.

Le renforcement du partenariat avec le tissu associatif et le recours au service civique, voire aux citoyens eux-mêmes avec l’excellente initiative des gestes qui sauvent peuvent, certes, soulager le travail des pompiers de la B.S.P.P., mais cela ne suffira pas.

Nous approuverons néanmoins ce budget spécial, mais vous l’entendez, sans trop d’enthousiasme. Si la B.S.P.P. peut encore aujourd’hui satisfaire ses missions, il n’en sera plus de même demain. Gouverner, c’est prévoir dit-on, or ce sont 600.000 habitants supplémentaires que les pompiers auront à protéger en 2030, et des dizaines de nouveaux équipements.

Si le Grand Paris express et ses 72 gares voyaient le jour, qui en assurerait la sécurité en cas d’accident, sinon la B.S.P.P. et je pourrais continuer, je pourrais allonger la liste.

Madame la Maire, Monsieur le Préfet, mon groupe vous demande qu’une réflexion prospective soit engagée, qui permette, dès l’an prochain, d’éclairer les élus et les habitants de Paris et de ses départements limitrophes sur l’évolution de la nature et des moyens des missions de la B.S.P.P. dans les années à venir.

Tout à fait part ailleurs, je souhaiterais que le Préfet confirme ici l’engagement de son représentant en troisième commission, de fournir aux élus le coût des caméras de vidéo-protection ou vidéosurveillance. Quels coûts d’achat, d’installation, d’entretien, de fonctionnement ? Autant de questions légitimes restées sans réponse depuis 2009.

Nous concluons par une note plus heureuse, en remerciant le Préfet et ses services d’avoir satisfait ma demande exprimée ici même l’an dernier, de fournir un document réalisant la synthèse des documents bruts, dont la lecture est réservée à des spécialistes, surtout quand le délai imposé pour la déchiffrer est court. Le budget primitif 2018 du budget spécial a donc été présenté aux élus pour la première fois de son histoire, sous une forme éclairante. Cela constitue un progrès d’ordre démocratique qu’il convient de saluer.

Et nous vous remercierons encore, Monsieur le Préfet et Madame la Maire, quand ces superbes documents seront transmis aux élus plusieurs jours avant la tenue de la troisième commission dont les membres, ainsi d’ailleurs que les membres de toutes les autres commissions, attendent toujours les documents budgétaires présentés par les adjoints en commission. On devait avoir ces documents avant, pendant, après, et on ne les a toujours pas.

Je vous remercie.

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