Orientations budgétaires pour 2018
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Intervention de Jérôme Gleizes relative aux orientations budgétaires pour l’année 2018

 

Chers collègues, je voulais en premier lieu vous remercier pour la qualité de nos échanges suite au départ de Julien Bargeton sous d’autres cieux un peu contradictoires avec son ancienne position comme va le montrer ce débat. Nous avons conscience en effet de la complexité de la tâche pour vous et la DFA du fait de la politique du Gouvernement actuel. En effet, d’année en année, l’État, quelle que soit sa couleur d’ailleurs, met à mal les collectivités territoriales.

Cette année, pas de baisse spectaculaire de la dotation globale de fonctionnement. Cela dit, elle a déjà été divisée par deux depuis 2010. Mais les innovations règlementaires, comme quoi elles ne sont pas toujours bonnes à prendre. En effet, on veut nous imposer une contractualisation entre l’État et les 319 plus grandes collectivités et l’imposition de deux contraintes de la prochaine loi de finance avec les articles 10 et 24 imposant réciproquement une norme d’évolution des dépenses de fonctionnement et une autre de capacité de désendettement.

Comme je suis attaché au débat politique rationnel, je vais tenter de montrer les rationalités de ces mesures en m’appuyant sur la doxa libérale, notamment chère à M. DUBUS, qui sied à tant de personnes dans ce Conseil et qui n’est pas la mienne.

Premièrement, vous êtes nombreuses et nombreux à critiquer l’attitude d’un État qui change chaque année les règles fiscales interdisant une incertitude dans les actions des entreprises. Pourquoi ce qui est valable pour les entreprises ne le serait pas pour les collectivités territoriales ? Savez-vous que la Ville de Paris participe tout autant à la création de richesse qu’une entreprise. Savez-vous que sa participation à la richesse nationale au P.I.B. se mesure par ses coûts de production non marchands, c’est-à-dire les salaires qu’elle verse à ses 48.300 salariés et l’ensemble de ses dépenses de fonctionnement.

Oui, en effet, en 2016, la richesse créée par les administrations publiques locales est de 119,4 milliards d’euros, soit à peu près 5 % du P.I.B. Cela n’existe pas chez vous. Nous pouvons penser qu’avec un budget de presque 8 milliards, Paris représente une proportion importante de la richesse produite en France, bien plus que nombre d’entreprises.

Imaginons un instant que l’État n’ait pas changé sa politique fiscale depuis 2010, cela aurait été 1,1 milliard d’euros de recette en plus, cela aurait été autant d’épargne brute et donc autant de dette en moins pour financer les investissements de la Ville, et donc un taux d’endettement de 15 % plus bas. Et encore, je ne compte pas les dettes sociales de l’État qui est aussi de plus de 1 milliard.

Le risque dont parle M. POZZO di BORGO est du fait de l’État et pas du fait de la gestion de la commune.

Deuxièmement, les nouvelles contraintes sont de pâles inspirations idéologiques des contraintes que la Commission européenne impose au Gouvernement : le ratio de 3 % du déficit public et de 60 % d’endettement par rapport à la richesse produite.

Tout d’abord, première absurdité, ces deux contraintes sont indépendantes de leur effet économique. Un institut de recherche allemand a montré récemment que si on amputait la France de Paris, le P.I.B. par habitant baisserait de 14,8 %.

Deuxième absurdité : contraindre des dépenses de fonctionnement, c’est aussi considérer que les futurs investissements ne génèrent aucun besoin en dépense de fonctionnement. La seule contrainte qui vaille, c’est celle actuelle qui oblige les collectivités territoriales à ne pas avoir plus de dépenses de fonctionnement que de recettes, autrement dit, c’est l’absence de déficit qui n’est pas imposée à l’État

En fait, le Gouvernement veut placer les collectivités sous la tutelle de Bercy pour pouvoir récupérer leur épargne brute à son bénéfice puisque si les collectivités ne diminuent pas drastiquement leurs dépenses de fonctionnement, elles verront leur dotation globale de fonctionnement baisser.

A cette véritable défiance aux collectivités, viennent s’ajouter d’autres mesures contestables qui seront présentées plus tard par mes collègues.

La Ville de Paris doit également faire face à l’exonération de la taxe d’habitation. Je me répète, mais cela n’est pas tenable, et nous rappelons, dans un de nos vœux où nous demandons, dans ce contexte, qu’a minima la Maire réclame au Gouvernement le remboursement de la dette de l’État vis-à-vis de la Ville de la Paris qui n’est pas inclus dans mes calculs précédents.

Pourtant et malgré tout, la Ville de Paris a clairement fait le choix politique d’investir pour l’avenir. Cela est particulièrement important dans ce contexte économique et social de crise que nous connaissons.

De fait, Paris créée par ses investissements des emplois et des richesses, et par ricochets, réduit le chômage parisien. Paris représente près de 5 % d’investissement national et sa part augmente d’année en année. Cela aussi, vous n’en tenez pas compte. Et si face à cette volonté politique irresponsable de casser la dynamique des investissements des collectivités territoriales, Paris s’en sort mieux, c’est grâce à la diversité, même si elles sont en baisse, de ses ressources et le sérieux de sa gestion. Il faut que cela soit répété.

Reste un point de divergence de débat entre nous : la gestion du patrimoine immobilier de la Ville. Et paradoxalement, la deuxième contrainte du Gouvernement d’augmenter l’épargne brute renforce notre opposition.

Nous sommes pour une autre doctrine de gestion de notre foncier. Pour nous, une bonne gestion stratégique est celle qui vise à valoriser le patrimoine plutôt que de le vendre. L’Exécutif le fait d’ailleurs avec les loyers capitalisés pour le parc immobilier social, même si l’opposition municipale a tant de mal à le comprendre.

Si, pour les logements sociaux, nous sommes d’accord a contrario, nous voyons passer de conseil en conseil des cessions importantes, très diverses, ce qui nous montre une fois de plus qu’il devient nécessaire de se doter d’une stratégie concertée sur la gestion du patrimoine.

Je vais le redire, mais la prise en compte du long terme dans une politique de gestion du foncier conditionne nos marges de manœuvre, permet l’audace et l’imagination de la destination à donner à certains sites.

Nous avons abondamment parlé de l’opportunité de réfléchir à travailler à l’élaboration de cette doctrine de gestion. Faisons-le. C’est le sens de notre vœu que nous avons déposé à ce débat.

Pour conclure, en bon P.D.G. de la start-up France, le président de la République souligne fréquemment qu’il faut réduire l’incertitude de l’environnement économique des entreprises. Eh bien ! Comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, il serait opportun aussi de le faire pour les collectivités territoriales qui ne font pas de la figuration et qui sont des acteurs économiques importants, les fers de lance mêmes dans le défi qui nous est lancé à tous de lutter contre les changements climatiques et l’organisation de notre résilience, comme nous le verrons cet après-midi.

Merci de votre attention.

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