Les villes au cœur de la résilience climatique
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Tribune de Célia Blauel et Achim Steiner à lire sur le huffingtonpost.fr

 

À l’approche de la moitié du 21ème siècle, d’ici les 35 prochaines années, le 10 milliardième être humain sur la planète aura rejoint les 7 milliards de personnes vivant dans les villes. Cet avenir, qui approche à grands pas, va s’accompagner d’immenses défis et d’autant d’opportunités tandis que se profile une conclusion inéluctable : le modèle, le développement et le fonctionnement de nos villes sont des éléments clés pour un avenir durable, vivable et propre.

L’énergie est bien évidemment au cœur de ce développement, les villes représentant actuellement 70% de la demande énergétique mondiale. Les réponses politiques sont donc cruciales pour répondre à ces objectifs. Si l’ensemble des soumissions volontaires des pays (Contributions Prévues Déterminées au Niveau national, CPDN) est mis en œuvre, l’écart entre besoins et perspectives en matière de réduction d’émissions, en 2030, conduiront tout de même à une augmentation de la température de 3 C° d’ici 2100, accompagnée par des impacts climatiques majeurs.

En ce qui concerne les environnements urbains, le développement de réseaux urbains de chaleur et de froid modernes, abordables et efficaces, est l’une des solutions les plus rentables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, la pollution atmosphérique, les utilisations de fluides frigorigènes et la demande d’énergie primaire. Les systèmes modernes d’énergie collective combinent chauffage et refroidissement urbains avec la production d’électricité et de chaleur, le stockage thermique, les pompes à chaleur et l’énergie décentralisée.

Ces systèmes récupèrent la chaleur résiduelle des industries ou des usines de production électrique pour le chauffage et les réserves d’eau naturelles, comme la mer, les lacs et les rivières, pour le refroidissement. Ces systèmes éprouvés depuis plusieurs décennies ont plus récemment tiré parti des excédents d’énergie éolienne et de chaleur en été, à des coûts plus bas que les autres options de stockage d’énergie. Cette énergie peut être employée pour équilibrer la production d’énergies renouvelables par conversion en chaleur stockée pour un usage saisonnier ou pendant les pics de demande d’énergie thermique. Que ce soit à l’échelle des quartiers, des villes ou des pays, les réseaux urbains de chaleur et de froid jouent un rôle de plus en important pour atteindre l’objectif de 100% d’énergies renouvelables.

Les réseaux urbains de chaleur et de froid peuvent être très efficaces, accélérant la transition vers des énergies propres tout en réduisant de 30 à 50%, les utilisations d’énergie primaire pour le chauffage et le refroidissement, réduisant de fait les émissions de carbone associées d’au moins 50%. Ainsi, la transition vers les réseaux urbains peut largement contribuer à contenir l’augmentation mondiale de la température à 2 degrés Celsius, augmentation qui, selon les scientifiques du climat, devrait éviter au système climatique terrestre de connaître des changements catastrophiques et imprévisibles.

Etant donné que la plupart des infrastructures urbaines seront toujours en place d’ici 2050, empêcher de telles catastrophes implique de développer une vision et une planification dès maintenant. Il existe déjà de nombreux exemples de villes qui réduisent les émissions tout en offrant des services énergétiques modernes.

Paris, ville hôte de la COP 21, est un excellent exemple de ce qui peut être fait.

La ville lumière a développé le premier et le plus grand réseau de refroidissement urbain d’Europe, grâce aux eaux de la Seine qui divisent la ville en deux. La société d’énergie collective de la ville dessert l’équivalent de 500 000 foyers, dont 50% des logements sociaux ainsi que tous les hôpitaux et 50% des bâtiments publics, dont le musée du Louvre. Il est prévu d’utiliser 60% d’énergies renouvelables ou récupérées d’ici 2020.

Les réseaux urbains de chaleur et de froid sont au cœur de la stratégie de Paris pour réduire de 75% les émissions de CO2 d’ici 2050. Les usines de valorisation des déchets visent à éviter les émissions de 800 000 tonnes de CO2 par an. En plus de fournir du chauffage et du froid plus renouvelables et plus économiques, les réseaux urbains rapportent 10 millions d’euros de redevances et de dividendes à la ville avec des bénéfices annuels estimés à 19,5 millions d’euros.

De nombreuses villes se tournent également vers les réseaux urbains de chaleur et de froid, lesquels deviennent des éléments-clés de leurs plans d’action sur le climat. Au Danemark, le chauffage urbain fait partie des politiques nationales énergétiques et climatiques ambitieuses, le pays ayant atteint une réduction de 20% des émissions nationales de CO2 depuis 1990 grâce au chauffage urbain. En utilisant la chaleur résiduelle recyclée, Copenhague a évité 655 000 tonnes d’émissions de CO2 et réduit la consommation de pétrole de 1,4 million de barils par an.

Au Japon, les systèmes de chauffage et de refroidissement urbains utilisent 44% d’énergie primaire de moins et émettent deux fois moins de CO2 que les systèmes de chauffage et de refroidissement individuels. En Chine, la ville d’Anshan va réduire son utilisation de charbon très polluant de 1,2 million de tonnes par an en regroupant des réseaux collectifs séparés et en captant 1 gigawatt de chaleur résiduelle d’une aciérie de la ville. Anshan a cherché à développer un réseau de chauffage urbain dans les années 1970 pour réduire la pollution au dioxyde de souffre (SO2). A Koweït City, où la climatisation représente 70% du pic de demande en électricité et pour plus de la moitié de la consommation énergétique annuelle, le refroidissement urbain pourrait réduire ce pic de demande de 46% et la consommation électrique annuelle de 44% comparé aux systèmes de refroidissement conventionnels.

Ce sont quelques-uns des exemples de l’Initiative des réseaux urbains de chaleur et de froid dans les villes du PNUE et de son rapport. L’Initiative est un partenariat multi-parties prenantes qui vise à aider les pays en développement à répondre aux nombreux défis politiques, de réglementation et d’investissement pour améliorer l’efficacité énergétique par la planification collective.

L’énergie collective n’est pas une idée nouvelle, mais le concept peut être appliqué à d’autres domaines. Les programmes de partage de vélos, Vélib’, et de partage de voitures, Autolib’, sont des exemples de systèmes collectifs appliqués au transport. L’Internet est également un outil puissant employé pour l’innovation au niveau collectif pour de nombreux services urbains.

Nous devrons certainement utiliser l’ensemble de ces outils pour que notre climat futur soit résilient. Et surtout, le futur commence maintenant.

 

Célia Blauel 
Adjointe à la Maire de Paris en charge de l’environnement, du développement durable, de l’eau, de la politique des canaux et du « plan climat énergie territorial ».

Achim Steiner 
Directeur exécutif du PNUE et secrétaire général adjoint de l’Organisation des Nations Unies.

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