Préserver la capacité opérationnelle des pompiers de Paris
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Intervention de Pascal Julien relative au budget de la Préfecture de Police

Madame la Maire, Monsieur le Préfet,

La contrainte budgétaire qui dépasse largement le cadre parisien et national explique que pour la première fois dans son histoire récente, le budget proposé pour la PP subit une baisse de presque 2% . Au nom du GEP, j’avais prudemment déposé un vœu en juillet dernier qui, amendé puis adopté à l’unanimité, demandait que « l’enveloppe budgétaire qui sera allouée en 2015 par la Ville de Paris à la BSPP n’ait en aucun cas d’impact sur les forces opérationnelles de la BSPP ».

Ce vœu a été entendu puisque seul ¼ de l’effort budgétaire demandé à la Préfecture affecte la BSPP, les ¾ étant supportés par l’administration parisienne de la Préfecture. Je tiens à remercier le Préfet pour cet arbitrage respectueux de la volonté exprimée par notre assemblée.

Sur les 718 881 157 d’euros du budget spécial de la Préfecture,  45,6% soit 328 402 000 seront consacrés à la BSPP dont la baisse du budget est de – 0,54 % par rapport à l’an dernier. Cette baisse intervient après une hausse constante du budget alloué depuis 2001, ce qui a permis de combler le retard considérable accumulé sous la gestion de la droite.  Un premier plan de modernisation a pu aboutir, un second a été lancé dont l’élan est suspendu pour la 2ème année consécutive et c’est bien cette suspension qui pose problème.

Ainsi que le soulignait déjà un rapport de la cour des comptes en décembre 2011, la BSPP offre aux quatre départements qu’elle a en charge un service dont le rapport coût/efficacité est le meilleur de France : 78 €/habt/an contre 98 dans les départements de la grande couronne. Mais parce qu’une partie du financement est assuré par l’Etat, qui notamment verse les pensions, le coût réel supporté par notre collectivité n’est en réalité que de 54€/habt/an.

Malgré l’excellence de ces résultats, la BSPP a continué ces dernières années à améliorer sa productivité.

Premier exemple : le plan de débruitage des appels sur le 112 et le 18 a permis de mieux trier les appels pour les rediriger vers d’autres services publics ou privés, les pompiers n’ayant pas vocation à devenir le service à tout faire de chaque habitant. Sur ce dernier point, une réforme est en cours qui permettrait à la BSPP de facturer certains services éloignés de son cœur de métier et auxquels d’autres prestataires peuvent répondre. Ainsi, on peut effectivement s’interroger sur le fait que bailleurs et ascensoristes fassent supporter aux pompiers, et donc à la collectivité, la délivrance d’une personne bloquée dans un ascenseur. Néanmoins, nous serons d’une extrême vigilance pour que cette réforme – dont l’idée est née, comme par hasard ! – en période d’austérité budgétaire, n’amorce pas un début de privatisation du service public des pompiers. Nous regarderons de très près la liste des services facturables avant de nous prononcer dessus.

Deuxième exemple : la modulation de la capacité opérationnelle en fonction de la demande. Son principe repose sur l’idée qu’il est inutile de se tenir prêt à mobiliser la totalité des forces les semaines où l’on sait de manière statistique que les pompiers seront peu sollicités et que la probabilité d’avoir besoin de la totalité des forces à ces moments là est très faible.

Troisième exemple : les économies réalisées par plusieurs réductions : celle du stock stratégique de gasoil passé de 3 à 1 mois (-600 k €), du chauffage (-610k €), de la dotation habillement (-340K€), du marché télécom (-220k€), de la dotation pharmacie (-210k€) et je pourrai ainsi continuer la liste des efforts accomplis auxquels il nous faut rendre hommage.

Quant aux soldats du feu, leur temps de travail en 2013 fût de 3200 heures par sapeur-pompiers, soit 944 heures de plus que les pompiers professionnels de la grande couronne qui, eux, sont des civils disposant du droit syndical et du droit de grève. Le statut militaire des personnels de la BSPP peut-il justifier une forme de surexploitation ? Le rapport de la cour des comptes déjà cité souligne l’extrême pression opérationnelle à laquelle ils sont soumis. Le nombre annuel de gardes de 24 h dans les SDIS (pompiers professionnels des services départementaux d’incendie et de sécurité) est limité à 94 quand les militaires de la BSPP en effectuent 125 !

Dans ces conditions, toute baisse des effectifs de la BSPP serait une mauvaise nouvelle aussi bien pour les soldats du feu que pour les parisien-nes. La délibération (1057) annonce une réduction de 40 personnes sur les fonctions support mais ce chiffre est discutable. En effet, l’objectif du plan de modernisation était d’atteindre un effectif de 8250 personnes générant des recrutements que la BSPP ne pourra maintenir, et l’effectif ne pourra compter en fin d’année prochaine, au mieux, que 8000 personnes.

A quoi s’ajoute le fait que le budget alloué aujourd’hui ne lui permet pas de provisionner les trois millions d’euros nécessaires à la revalorisation obligatoire de ses agents de catégorie C qui interviendra en 2015 et qui concerne 80% de ses effectifs. Si la BSPP devait auto-financer cette dépense, elle ne pourrait le faire qu’en réduisant plus encore ses effectifs qui tomberaient alors à 7800 ! C’est pour éviter ce dangereux scénario que les écologistes sont à l’initiative d’un vœu exigeant qu’une solution soit trouvée, avant le vote du budget complémentaire de juillet prochain, entre le Préfet et la Mairie de Paris dont je rappelle que la contribution au budget BSPP égale 26%, le reste étant assumé par l’Etat et les autres collectivités territoriales.

De même, le recours aux réservistes civils et militaires permet à la BSPP de compléter ses effectifs opérationnels. Or la contrainte budgétaire oblige la BSPP à supprimer les 250 000 euros nécessaires à cette mobilisation, alors qu’il s’agit pourtant d’un système souple, efficace et finalement très peu coûteux au regard du service rendu. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement budgétaire prévoyant que la Ville paye sa part de la dépense.

La contrainte budgétaire a également conduit à revoir le programme d’acquisition de matériels d’intervention. Ainsi, la gestion des camions-échelle a été rationnalisé par un redéploiement optimum sur le terrain, cela suite au non-renouvellement de cinq d’entre eux. Idem pour les engins-pompes dont deux ont été supprimés.

Et les écologistes attirent votre attention, Monsieur le Préfet, sur le vieillissement du parc 100% diesel de la BSPP ! A notre initiative, un vœu de l’exécutif demande à l’Etat d’élaborer un plan de dédiésellisation du parc préfectoral.

Concernant l’investissement immobilier, c’est à dire les casernes, il faut noter qu’après l’achèvement de chantiers importants (comme Champerret où a été construit le très moderne centre de débruitage que j’ai pu visiter), l’effort pour moderniser le patrimoine immobilier dont dispose la BSPP risque lui-aussi d’être suspendu, mais au moins le budget qui nous est proposé garantit que les chantiers lancés seront achevés.

Quelle conclusion les écologistes tirent-ils de ces constats ?

S’il y a unanimité du Conseil de Paris pour « préserver la capacité opérationnelle de la BSPP », c’est sans doute parce que cette expression ne veut pas dire grand-chose et que chacun l’interprète à sa façon. Faut-il comprendre que le budget BSPP doit être sanctuarisé en euros constants ? Ou que les moyens humains et matériels ne baissent en aucun cas ? Ou bien que les pompiers devraient savoir offrir un niveau constant de protection en compensant la réduction des moyens humains et matériels par un modèle d’organisation plus efficace ?

Finalement, que veut-on sanctuariser, le budget ou le service rendu ? Pour nous, c’est le service rendu.

Et puis d’ailleurs, quelle protection attend-on de la BSPP ? Qu’elle soit capable de faire face à toutes les circonstances, y compris les plus improbables, celles où tous les malheurs s’abattraient sur Paris le même jour : déraillage sur le RER + attentat terroriste + incendie de la tour Montparnasse + canicule multipliant les appels au secours ?

Bref, où placer le curseur, entre une situation à un bout qui protègerait de tout même de l’impossible pour un coût exorbitant, et à l’autre bout une situation qui ne protègerait que contre un tout petit nombre de risques ? On le voit bien, les notions de capacité opérationnelle et de protection ne répondent pas à des critères scientifiques mais politiques.

Je ne partage pas la vision catastrophiste développée par la droite qui noircit la réalité comme souvent en matière de sécurité, parce que c’est son fond de commerce, alors que son passé aux responsabilités ne plaide franchement par pour en matière de sécurité, c’est le moins que l’on puisse dire. D’ailleurs, en pratique, qui d’entre nous, ici, a entendu les parisien-n-es se plaindre d’une baisse de la qualité de service des pompiers ?

Ce budget, avec l’adoption du vœu et de l’amendement que les écologistes ont déposé, permettra en pratique aux parisiens de bénéficier de la même sécurité que ces dernières années.

Cela ne nous empêche pas d’affirmer que la BSPP est allé au plus loin de ce que la Ville pouvait attendre d’elle en terme de gain coût/efficacité. Continuer à restreindre son budget au prétexte de la contraindre à améliorer davantage encore sa productivité reviendrait à ne plus lui permettre d’assurer la qualité du service rendu. Il sera nécessaire de laisser la BSPP souffler quelque temps avant de relancer auprès d’elle de nouvelles exigences. Outre que, je le dis au passage, nous n’aimons pas l’imposture qui consiste à faire passer l’austérité pour une politique de progrès économique.

Les questions que j’ai soulevé jusqu’à présent se posent aussi, d’une certaine manière, pour l’autre versant du budget préfectoral dont 54,4 % financent des missions aussi variées que la sécurité intérieure, la circulation, le stationnement, l’hygiène, la sécurité préventive ainsi que divers services telle les actions de police administrative (verbalisation des manques de sécurité bâtimentaire, autopsies, etc) ou encore la délivrance de titres de séjour et d’identité.

A l’inverse de ce qui se passe pour les pompiers, il n’est pas rare d’entendre les parisien-nes se plaindre du service de Police, non pas à cause des policiers eux-mêmes (dont on souhaiterait néanmoins qu’ils bénéficient d’une formation plus approfondie…) mais du fait, par exemples, des conditions d’accueil dans les services où les ordinateurs tombent en panne, où la file d’attente dure des heures pour obtenir une information, porter plainte ou accomplir une démarche administrative, dans une salle d’attente glauque où les sièges manquent pour s’asseoir. Sans parler du fameux « que fait la police ? » qui revient comme un refrain dans les conversations de victimes d’incivilité ou d’actes malveillants.

On veut bien croire que ces services peuvent améliore leur efficacité et donc leur coût, que des économies pourraient aussi être réalisées à travers une politique immobilière plus rationnelle. Mais, comme pour la BSPP, la baisse du nombre de fonctionnaires sur le terrain nous semblerait un mauvais signe. En ce sens, la création annoncée de 10 postes de correspondant de nuit ne peut que nous satisfaire.

Les moyens sont une chose, la manière dont ils sont mis en œuvre en est une autre. Dès lors que la Ville finance, elle doit avoir un droit de regard sur l’usage des moyens. Est-il normal que la Maire et son adjoint Christophe Najdovski ne soient pas consultée pour la suspension de Paris Respire pendant le fêtes ?  Est-il normal que 40% des véhicules repérés échappent à la fourrière ? On crée l’impunité en verbalisant trop peu. Sur toutes ces questions, nous attendons beaucoup du contrat d’objectifs auquel devrait aboutir les discussions engagées entre la Maire et le Préfet. Une déception de ce point de vue pèserait lourdement dans le vote que nous ferons l’année prochaine.

Car un vote favorable à ce budget spécial 2015 ne nous engage pas pour celui de 2016. Qu’il soit bien clair que, l’année prochaine, nous déterminerons notre vote en tenant compte, aussi, de la façon dont celui que nous approuvons aujourd’hui aura été exécuté.

Nous n’avons rien vu qui prévoit un plan caméra vidéo-surveillance n°2, cela aurait été un point de blocage. Qu’il soit là aussi bien clair que notre sens des responsabilités et notre vote positif ne vaut pas approbation de cette méthode coûteuse, liberticide, et peu efficace. Nous continuerons à demander le démantèlement des caméras qui filment les gens sur l’espace public, que nous différencions bien de l’espace privé. Il est d’ailleurs piquant de constater que ceux qui hurlent en permanence contre une prétendue insécurité grandissante sont les mêmes qui nous promettaient qu’avec la vidéosurveillance, vous allez voir ce que vous allez voir, incivilités et délinquance baisseront.

Nous disons oui, pour voir si les engagements seront tenus, aussi bien pour ce qui concerne la capacité opérationnelle de la BSPP que pour l’administration parisienne qui doit enfin, il est temps, entrer dans l’ère du partenariat avec la Ville qui la finance. Si tel n’était pas le cas, nous réviserions notre vote sans état d’âme l’année prochaine.

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