JO 2024 : légalité de la convention de mise à disposition du plateau Joffre
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Monsieur Michel Cadot

Préfet de la région d’Ile de France, Préfet de Paris

5 rue Leblanc

75015 Paris

Paris, 09/07/18

Objet : contrôle de légalité d’une délibération adoptée lors du Conseil de Paris de juillet 2018

Monsieur le Préfet de Police,

Lors du Conseil de Paris qui s’est tenu les 2, 3, 4, 5 juillet derniers, a été adopté le projet de délibération suivant: 2018 SG 35 Convention de mise à disposition du plateau Joffre (7e) pour l’installation d’une structure éphémère accueillant des activités culturelles et sportives avec l’Établissement public Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais et le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024.

Nous aimerions, Monsieur le Préfet de Police, que vous vérifiez certains points de légalité de cette délibération :

Non mise en concurrence de la CODP :

La délibération 2014 DJS 321 (pièce jointe n°1) avait permis une occupation du domaine public temporaire pour la mise en place d’une « fan zone » sur le Champ-de-Mars lors du championnat d’Europe de football 2016. La délibération 2016 DJS 152 (pièce jointe n°2) a attribué cette occupation à la société Lagardère Sports après la Commission d’appel d’offre en date du 6 octobre 2015 (pièce-jointe n°3) dans le cadre d’un marché public. Depuis l’Ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, il y a une obligation de mettre en concurrence les occupations privatives du domaine public. Par ailleurs, par rapport à l’obligation de transparence de l’article 3 de ladite ordonnance, aucune information n’a été donnée sur les propositions alternatives et les raisons de leur rejet. Enfin, la durée de la convention de 51 mois ne permet pas de bénéficier d’une procédure simplifiée (article 3).

Légalité de l’application de la Loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (ci-après JOP2024)

Il n’est pas fait référence dans la délibération et dans la convention à la Loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des JOP2024. La convention est signée avec le Comité d’Organisation des JOP2024 mais le comité ne réfléchit qu’aujourd’hui à organiser des épreuves dans cet espace éphémère. Les épreuves d’escrime et de taekwondo des JOP2024 auront lieu au Grand Palais mais rien ne justifie le Champ­de­Mars pour le Grand palais Éphémère (GPE).

Par ailleurs, l’attribution des jeux olympiques à la Ville de Paris a été faite après le lancement de la recherche d’une structure éphémère, ce qui soulève la question de la transparence de la procédure soulevée au point précédent.

Contradiction entre la Convention de mise à disposition du plateau Joffre (7e) et la loi JOP et les deux décrets afférents

La convention de mise à disposition prévoit dans son article 2 que « l’occupation du site, périodes de montage et démontage incluses, s’étendra du 1er septembre 2020 au 30 novembre 2024 », soit 51 mois. Or, cette disposition est contraire à l’article 10 de la Loi JOP2024 et au décret n° 2018-512 du 26 juin 2018 (pièce jointe n°4) : « En ce qui concerne les constructions, installations et aménagements temporaires utilisés pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, la durée d’implantation ne peut être supérieure à dix-huit mois et la durée de remise en état des sites ne peut être supérieure à douze mois à compter de la fin de leur utilisation. » Le décret restreint la durée lorsque l’implantation est sur un site classé, ce qui est le cas du Champ­de­Mars : « Lorsque ces réalisations temporaires sont implantées pour tout ou partie dans le périmètre d’un site classé (…), le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou dans les abords d’un monument historique :
1° La durée mentionnée (…) est limitée à quatorze mois ; ». La durée de 51 mois est donc bien au-delà des 30 ou 26 mois autorisés (18 ou 14 mois plus 12 mois) par la loi et le décret.

La convention de mise à disposition prévoit également dans son article 3 une « emprise, représentant une superficie totale maximale de 27 100 m² » alors que le décret n° 2018-379 du 22 mai 2018 (pièce jointe n°5) autorise uniquement une occupation de 13.500 m².

Respect de la loi du 2 mai 1930 de protection des sites

Contrairement à la « fan zone » du championnat d’Europe de football 2016, l’avis de la commission des sites et des Architectes des Bâtiments de France n’a pas été sollicité. La durée du projet de 51 mois, bien plus longue que celle de la « Fan zone » nécessiterait un avis encore plus important pour savoir si le projet n’entraînera aucune dégradation du site.

Non prise en compte de la présence du Mur de la Paix dans la convention

La convention de mise à disposition prévoit dans son article 4 sur la réalisation des travaux « le calendrier de réalisation des travaux de mise en place de la structure, les modalités de mise en sécurité du Site. (…) En vue de l’installation de la structure éphémère, les éléments listés ci-après de façon exhaustive seront déposés aux frais de la RMNGP et de PARIS 2024 : Les bancs de part et d’autre de la statue du Maréchal Joffre et le candélabre situé sur le jardin technique sera déplacé à proximité du kiosque. » Cette exhaustivité a oublié le Mur de la Paix, bien que présent dans le plan adossé à la convention. Un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 8 novembre 2012 (pièce jointe n°6) a déclaré la non « illégalité du Mur de la Paix ». Il est précisé que « l’édification du Mur de la paix, même si elle a été réalisée sans que soient requises toutes les autorisations administratives nécessaires pour une construction aux abords de monuments classés, [n’a pas été] déclarée illégale par les autorités administratives ou judiciaires ayant le pouvoir de se prononcer sur ce point. » Il est également précisé le maintien du Mur de la Paix dans l’attente d’une solution pérenne. A contrario, l’absence de proposition de solution pérenne dans la convention fragilise cette convention.

Cohérence avec le Plan biodiversité

La zone du plateau Joffre du Champ­de­Mars occupée est une zone recouvrant de la pleine terre (par la convention et la carte annexée). Or un des principes cardinaux de la loi relative à la biodiversité de 2016 est la généralisation des « obligations de compensation écologique ». Compensation, prévue dans le cadre de la doctrine « éviter, réduire, compenser » (ERC), qui s’applique pour tout nouveau projet qui peut avoir un impact sur la biodiversité : il « implique d’éviter les atteintes significatives à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées ». Or nulle part n’est faite mention de ces obligations vis-à-vis des parties contractantes dans cette convention. Il a été dit oralement qu’il y aurait des améliorations mais aucun amendement technique n’a été proposé au vote des conseillers de Paris.

Ce sont les principales raisons pour laquelle nous avons demandé le report de cette délibération et nous vous demandons, dans le cadre du contrôle de légalité que vous allez exercer afin de vérifier la conformité des délibérations de la Ville de Paris avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, d’être particulièrement vigilant sur ce point.

Pour conclure, la convention est prévue de commencer le 1er septembre 2020, dans plus de deux ans. Il est possible d’établir une convention plus adaptée avant les JOP2024.

En l’attente de votre réponse, nous vous remercions de l’attention portée à notre demande et nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de notre considération distinguée.

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