Face aux violences sans limite, faisons vivre une démocratie digne et efficace
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Intervention d’Anne Souyris et David Belliard en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre

 

Vendredi soir, pour la deuxième fois cette année, le terrorisme a frappé notre ville. Il a touché plusieurs quartiers, au hasard de celles et ceux qui passaient par là : nos voisines, nos voisins, nos collègues et, parfois, nos amis ou notre famille. Avec un bilan effroyable : plus de 130 morts, des centaines de blessés, des habitants meurtris et choqués.

Malgré la détermination des terroristes, les forces de l’ordre, les pompiers, les services de la Ville, les personnels soignants ont, pendant cette terrible nuit, effectué une nouvelle fois un travail exemplaire. Leur mobilisation et leur professionnalisme sont la fierté de Paris, tout comme la solidarité dont ont fait preuve spontanément les Parisiennes et les parisiens toute la nuit : qu’ils et elles en soient infiniment remerciés.

C’est d’abord aux victimes, à leur famille et à leurs proches que nous pensons et à qui nous adressons toutes nos condoléances, notre affection et notre solidarité dans cette épreuve. Il nous faut tout faire pour faciliter l’information, guider, accompagner, écouter les chocs et l’incompréhension.

Vous avez décidé, Madame la Maire, une série de mesures pour faciliter cette information et accueillir celles et ceux qui en ont besoin, notamment dans les mairies du 10e et du 11e arrondissement, et nous nous en félicitons.

Ce lendemain, c’est aussi celui de l’identification des responsables et de leurs complices. Le Président de la République a décrété l’État d’urgence. Si cette décision ne doit perdurer que le temps réduit de la menace, c’est pour nous une mesure justifiée dans ce contexte exceptionnel. Tout doit être mis en place pour que celles et ceux qui ont participé, de près ou de loin, à ces attentats, soient trouvés, jugés et condamnés.

Cette situation nous oblige à une très grande responsabilité. L’unité qui est la nôtre ce matin, et qui fait honneur à notre Conseil, traduit notre volonté sans faille de dépasser cette épreuve et de répondre, vite et efficacement, aux risques auxquels nous sommes confrontés.

Mais cette responsabilité, notre responsabilité collective, c’est aussi de nous prévenir de prochaines menaces. Face à la violence sans limite, la réaction d’une démocratie est particulièrement complexe à mettre en place si on la veut digne, efficace et en lien avec les valeurs qui en constituent les fondements. Pour certains, la tentation est grande de sombrer dans la recherche de “bouc émissaire” ou d’appeler au “tout sécuritaire” et d’étouffer les libertés individuelles. Tout cela serait nier ce qui est constitutif de notre fonctionnement démocratique.

Une fois en place les actions de sûreté, viendra le temps de la prévention, du lien social à retisser et à vivifier, et donc le temps des débats. Ne le fuyons pas. Car quoi de plus fort face à la menace que de faire vivre cette démocratie à laquelle nous tenons ? Notre capacité à continuer le débat, c’est l’une de nos principales armes contre la tentation du vote extrême et nationaliste qui nous mènerait dans l’impasse. Car ne nous y trompons pas : ces attentats ne menacent pas simplement notre ville, mais bien toute notre démocratie.

 

Les terroristes n’ont pas frappé au hasard. Ils ont touché des quartiers où se mêlent des gens de toute culture et de toute origine sociale, ils ont choisi des lieux où la liberté et la tolérance se vivent plus qu’elles ne se commentent, ils ont choisi celles et ceux, souvent très jeunes, qui font le choix de la vie et de l’ouverture à l’autre et au monde. C’est cette ville ouverte et généreuse qui a été frappée, cette ville que nous aimons mais que les morts et les blessés de vendredi dernier nous ont rappelé si fragile.

Ces terroristes veulent que nous cédions à la peur et à la violence aveugle. Ils ne veulent rien d’autre que d’étouffer la liberté et les désirs de convivialité et de futur meilleur. Leur projet, c’est de nous enferrer dans la vengeance et l’obscurantisme. Notre combat, c’est de préserver les libertés et la solidarité.

Cette violence renforce notre détermination à prendre soin de toute vie, de toute pensée libre, de toute ébauche de solidarité, de toute joie possible. Comme toutes les autres capitales déjà affectées par des attaques terroristes, Paris ne doit pas s’arrêter de vivre. A l’aveuglement des tenants de la haine, nous ne cesserons d’opposer le courage de la diversité et notre détermination à défendre la paix. Nous continuerons à défendre des villes multiculturelles, multiconfessionnelles et pour lesquelles la convivialité ne se résout pas à l’entre soi.

Nous sommes aujourd’hui dans une situation grave qui nous oblige. Depuis vendredi soir, Madame la Maire, avec les Parisiennes et les Parisiens, vous agissez sans faille pour notre Ville.  Nous comptons sur vous, et vous pouvez compter sur nous, pour continuer le travail que nous menons ensemble, et oser repenser et renforcer notre contrat social avec comme ambition celle de prévenir les replis, les peurs et les haines, autrement dit l’ambition de redonner la confiance, d’offrir un idéal où toutes et tous se retrouvent, et l’espoir.

Nous vous remercions.

Une réflexion au sujet de “Face aux violences sans limite, faisons vivre une démocratie digne et efficace

  1. Merci pour cette prise de parole. Oui, il faut faire attention à préserver notre démocratie, pour ne pas tomber dans un traitement à la Guantanamo du danger, qui ne résoudra rien. Soyons vigilants de ce côté, car il y va non seulement de nos valeurs, mais aussi de notre capacité à répondre à une idéologie funeste, et de l’efficacité de la prévention de tels actes. Retrouver, reconstruire le « rez-de-chaussée de la société » aussi comme dit Erri de Luca.

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